Baisse des prix du maïs et de l’orge sur un fond mondial lourd pour ces deux produits alors que le blé se stabilise, soutenu par des achats importants. Le colza remonte, lui, poussé par un euro faible et la tension sur le secteur de l’huile de colza.

Les ventes de blé soutiennent les prix

Des hauts et des bas cette semaine. Les prix ont « décroché » sur Euronext mercredi 12 février 2020à la suite de Chicago pour des raisons techniques, notamment les ventes de la part des fonds qui avaient beaucoup acheté auparavant. Ce mouvement s’est produit malgré la révision en baisse des stocks US et des stocks mondiaux, sans la Chine, effectuée par l’USDA dans son rapport sur l’offre et la demande du 11 février.

 

Toutefois, les marchés à terme sont repartis en hausse jeudi 13 février 2020 car la demande mondiale reste très vigoureuse. La Jordanie, l’Égypte, la Corée et l’Algérie ont acheté cette semaine : 60 000 tonnes de blé meunier pour la Jordanie en origine optionnelle, 67 000 tonnes pour la Corée de blé fourrager canadien, 360 000 tonnes de blé meunier pour l’Égypte et 660-680 000 tonnes pour l’Algérie.

 

En ce qui concerne l’Algérie, une grosse part de la vente devrait être servie par des blés français qui demeurent les plus compétitifs vers cette destination. Les blés allemands et baltes ne sont pas loin mais quelques euros plus chers quand même que les blés français. Comme l’Algérie ne recherche pas des blés à plus de 11,5 % de protéine, elle préfère ne pas payer de prime pour les blés du Nord-UE actuellement.

 

Sur un autre front, l’Argentine est un des principaux concurrents de la France vers l’Algérie. Toutefois, ce pays a déjà vendu de très gros volumes, vers l’Asie notamment. Ses disponibilités exportables sont déjà très engagées et son blé est beaucoup plus cher désormais que le blé français sur le pourtour méditerranéen.

Pas d’offre française à l’Égypte cette semaine

Ce n’est pas que les blés français ont été refusés par ce pays, mais ils n’ont même pas été offerts à l’Égypte pour son dernier appel d’offres. Cela contraste avec le dernier achat de l’Égypte le 31 janvier 2020 où le blé français avait raflé, seul, l’appel d’offres égyptien.

 

En fait, depuis une dizaine de jours, les blés français ont légèrement perdu en compétitivité face aux blés de la mer Noire, russes notamment, qui ont perdu 6 $/t en deux semaines après avoir résisté plus longtemps que les autres origines au mouvement baisser du début février.

 

Le fait qu’aucune offre n’ait été présentée peut signifier aussi qu’il n’était guère possible, sur ce créneau du mois de mars, de trouver facilement de quoi charger un panamax, un bateau de 60 000 tonnes, en plus des engagements déjà en cours.

 

L’Égypte a donc acheté cette fois-ci 180 000 tonnes de blé russe et autant de blé roumain pour chargement fin mars.

 

Les prix français ont donc été ballottés entre l’influence haussière de l’achat algérien mais aussi de la baisse de l’euro face au dollar ces derniers jours : 1,087 dollar contre 1,098 la semaine dernière.

 

En revanche, l’absence d’offre française à l’Égypte a plutôt joué du côté baissier comme le renouveau des fortes inquiétudes concernant le coronavirus et ses impacts potentiels sur la demande mondiale, chinoise notamment. En attendant, la Chine importe des blés français et les volumes nouvellement vendus à ce pays sont confirmés proches de 500 000 tonnes pour des exportations françaises de 1,3 million de tonnes sur l’ensemble de la campagne, un record. Il faut remonter à la campagne 2004-2005 pour retrouver des volumes conséquents de blé français vers cette destination, alors de 700 000 tonnes.

 

Dans ce contexte les prix rendu Rouen restent quasiment stables cette semaine à 188,25 €/t en base juillet tout comme les prix sur le MATIF qui ont baissé puis remonté pour se retrouver à 193,75 €/t, soit +0,5 €/t, à l’heure d’écrire ces lignes.

 

À noter qu’un mouvement de protestation se développe actuellement au Canada au sujet de la mise en place d’un pipeline transportant du gaz. Cela pourrait impacter le marché des grains prochainement car de nombreux points névralgiques (ports) commencent à être touchés par les actions de protestation.

Orge fourragère : des affaires mais un marché bien lourd

Après l’Algérie la semaine dernière, c’est au tour de la Turquie et de la Jordanie d’animer le marché mondial de l’orge avec des appels d’offres de 25 000 et de 120 000 tonnes respectivement. La Turquie recherche un chargement fin février-début mars et la Jordanie un chargement en mai-juin.

 

La Turquie, via le TMO, son office étatique, importe beaucoup d’orge cette année, près de 800 000 tonnes, à cause d’une forte croissance de ses utilisations animales pour remplacer le blé manquant (baisse de la récolte).

 

Cette semaine, l’USDA a publié un rapport sur l’Arabie, le principal importateur mondial d’orge. Ce rapport vient confirmer ce qu’on avait déjà observé concernant les importations du pays : ces dernières ont fortement chuté aux alentours de 6,5 millions de tonnes, après le pic de 2015-2016 de 11,5 millions de tonnes.

 

L’Arabie a bénéficié d’un apport en fourrage assez conséquent l’an passé et cela a contribué à réduire son besoin d’importation en 2019. Mais c’est surtout la volonté politique du pays de diversifier ses matières premières qui se fait fortement sentir. Cette politique est appliquée par la SAGO, l’office étatique d’achat, qui vient de revendre récemment sur le marché intérieur, de l’orge importée à un prix supérieur à ce qui était pratiqué auparavant. Autant dire que cela n’est pas de nature à doper le marché mondial de l’orge qui affichera des stocks très élevés en fin de campagne, que ce soit à l’échelle mondiale, européenne et française. Dans ce contexte, l’orge à Rouen abandonne 2 €/t cette semaine, à 162,05 €/t (base juillet).

Petite reprise des orges brassicoles

Sur le créneau brassicole, le mouvement est inverse : les prix s’élèvent de 2 €/t pour les orges d’hiver et de 1 €/t (à 160 €/t) pour les orges de printemps (à 162 €/t Fob Creil, base juillet).

 

Ce n’est pas un grand changement mais la preuve, peut-être, que la quasi-absence de différentiel entre les prix fourragers et les prix brassicoles finit par réduire l’offre brassicole car il n’y a plus d’incitation, pour les opérateurs, à faire le travail de préparation des orges pour la brasserie.

Les maïs ukrainiens concurrencent les Américains

Les prix du maïs, eux, n’évoluent guère depuis la semaine dernière sur le marché français +0,5 €/t Fob Rhin, à 169,5 €/t et -0,3 €/t Fob Bordeaux à 168 €/t, base juillet. Le maïs subit la pression de l’orge sur le marché français. Il est aussi influencé par le marché mondial, où les prix ukrainiens et argentins abandonnent 2 $/t cette semaine.

 

En Argentine, les pluies récentes ont été bénéfiques et la récolte de maïs est revue en hausse par les opérateurs locaux (à 50 millions de tonnes selon la Bourse de Rosario). En Ukraine, les disponibilités sont très élevées et pèsent sur le prix : le pays vient de vendre jusqu’à six bateaux de maïs à la Chine au cours des derniers jours (au moins 500 000 tonnes). Cet achat vient réduire les chances de ventes US à la Chine à court terme et comprime aussi les prix du maïs US qui chutent de 2 $/t aussi.

 

L’ambiance reste donc plutôt baissière sur le marché mondial du maïs, ce qui contraint les prix français via des importations bon marché qui se poursuivent dans le nord et le sud de l’UE.

Le soja US profite d’un rebond technique

Le prix de soja US à Chicago a progressé depuis la semaine dernière, notamment sur les contrats les plus proches (+5,7 $/t à 329 $/t) malgré le contexte mondial baissier (bonnes récoltes prévues en Amérique du Sud, tendance baissière pour le pétrole et l’huile de palme, inquiétudes liées à la propagation de l’épidémie du corona virus… etc.).

 

Le soja US a en fait été soutenu par des achats dynamiques sur le marché intérieur, alors que le temps froid et les fortes pluies aux USA compliquent les livraisons dans le sud-est du pays. De plus, plusieurs acheteurs commencent à se positionner, ces derniers anticipant une hausse des cours à partir du samedi 15 février 2020, date de l’activation de l’accord sino-américain.

 

Les ventes hebdomadaires de soja US publiées par l’USDA, le secrétariat américain à l’agriculture, pour la semaine se terminant le 6 février étaient dans la fourchette basse des attentes du marché. Les exportations sont en baisse de 8 % à 645 000 t comparées à celles de la semaine précédente.

 

Néanmoins, le rebond des ventes vers la Chine sur une semaine a plutôt rassuré les opérateurs et soutenu les prix. Notons que l’USDA, dans son dernier rapport sur l’offre et demande des produits agricoles, a revu en hausse les exportations de soja US vers la Chine pour tenir compte de la conclusion mi-janvier de la phase 1 de l’accord commercial entre les deux pays et des perspectives d’une hausse de la demande chinoise. Les stocks américains de soja ont été donc ajustés à la baisse.

 

Cependant le bilan mondial apparaît toujours lourd avec notamment de très bonnes récoltes attendues en Amérique du Sud. Par ailleurs, les travaux de semis se poursuivent dans cette zone dans des conditions très favorables.

 

Le tourteau de soja a suivi la hausse de la fève. Son prix augmente de 4 $/t à CBOT à 322 $/t et de 6 €/t en France (Montoir) à 339 €/t. Le prix du pois fourrager gagne également 4 €/t à 224 €/t dans le sillage des tourteaux.

Bonne tenue du colza français

Le colza français a gagné 5 €/t en Fob Moselle (à 402 €/t), 4 €/t à Rouen (à 396 €/t) et 5 €/t sur Euronext à 399 €/t. Le principal facteur de cette hausse était la dépréciation de l’euro face au dollar US, favorisant ainsi la compétitivité à l’export de la graine européenne.

 

D’ailleurs, en dollar US, les prix du colza français évoluent à peine par rapport à la semaine dernière. D’autre part, le prix de l’huile de colza ne recule que légèrement (-10 $/t) malgré la nette baisse du cours d’huile de palme et celle du pétrole sur une semaine. En effet, le complexe colza (graine et huile surtout) reste soutenu par des fondamentaux haussiers (offre européenne en baisse et demande assez soutenue notamment pour le secteur de biodiesel).

 

Au Canada, le prix du canola progresse de 3 $/t à 350 $/t, soutenu par une demande industrielle très dynamique dans le marché intérieur.

Correction à la baisse des prix de tournesol

Contrairement aux autres oléagineux, la tendance baissière du marché du tournesol persiste. En effet, les cours ont entamé une correction à la baisse suite au recul des marges de trituration dû à la dépréciation du prix de l’huile de tournesol, notamment dans le sillage de l’huile de palme. En France, le prix de la graine recule de 10 €/t à 360 €/t. En mer Noire, il cède 10 $/t à 395 $/t.

À suivre : compétitivité entre les blés russes et les blés français, décrochage potentiel du prix de l’orge, récolte de maïs, soja et tournesol en Amérique du Sud, évolution du conflit commercial US Chine, évolution des exportations US de soja, parité euro/dollar.