« À titre personnel, j’aime les challenges : nous avons déjà développé la production de semences de tournesol et depuis peu nous cultivons du blé dur, assez proche finalement d’un blé tendre », fait savoir Jean-Michel Habig, agriculteur à Ensisheim, dans le Haut-Rhin, et président de la Coopérative agricole de céréales (CAC). Le blé dur n’était jusqu’alors pas une espèce produite sur la région. Toutefois, la CAC a été approchée par le fabricant de pâtes d’Alsace « Valfleuri » pour voir si cette culture était envisageable. « Nous sommes toujours partants pour créer de la valeur locale et avoir un lien entre producteurs, industriels et consommateurs », ajoute-t-il.
Il a donc fallu rechercher la variété la plus adaptée aux conditions pédoclimatiques du secteur (lire l'encadré) grâce à des essais menés par la coopérative entre 2017 à 2020. Ensuite, la première campagne de production a été lancée sur 2020-2021. Sur son exploitation de 130 ha, Jean-Michel Habig en cultive ainsi 10 ha en 2023-2024.
Meilleure marge nette
Comparativement à un blé tendre, l’agriculteur indique qu’il faut un peu plus de fumure azotée, avec aussi trois apports conseillés aux stades tallage, épi 1 cm et 2 nœuds. En suivant la directive sur les nitrates, et avec un potentiel de 75 q/ha (de 10 à 15 q/ha de moins qu’un blé tendre), il a toujours eu suffisamment de protéines (norme de 13,5 %) dans ses blés durs récoltés. « Les semences sont plus chères mais la rémunération compense tout ça. Et au final, j’ai de 250 à 300 €/ha de marge nette en plus d’un blé tendre », confie-t-il.
Le reste de l’itinéraire technique reste proche de celui du blé tendre. « Certes, il y a un peu moins d’herbicides homologués mais généralement derrière un maïs grain, les parcelles ne sont pas sales avec peu de flore problématique telle que véronique, bleuet, vulpin, ray-grass… Et une intervention n’est pas toujours nécessaire », informe le producteur.
Concernant les maladies, c’est principalement la fusariose qui demande une vigilance. « Nous avions déjà l’habitude en blé tendre de gérer ce risque. Après le maïs, majoritaire dans mon assolement, un broyage fin des pailles et un enfouissement sont obligatoirement réalisés avant de semer un blé », explique Jean-Michel Habig. Il y a un T3 systématique pour protéger l’épi.
L’irrigation, disponible sur 80 % de la sole de l’exploitation, permet par ailleurs d’assurer pleinement le potentiel de la culture, avec de 0 à 5 tours d’eau selon les années.
La récolte demande une attention toute particulière quant à la maturité des grains et à la météo annoncée. Dès que la culture est mature, il faut moissonner pour éviter d’avoir des problèmes qualitatifs comme en 2021, qui a présenté du mitadinage et des grains germés. « Il manquait encore 8 jours de soleil pour avoir la bonne humidité et au lieu de cela nous avons eu 110 mm ! », se remémore Jean-Michel Habig.
Malgré tout, Valfleuri avait pris en charge une partie de la marchandise et la CAC l’autre, pour permettre aux producteurs d’avoir la rémunération prévue. « Afin que la filière de blé dur en Alsace puisse se poursuivre, la région avait même financé intégralement les semences pour 2022 », souligne-t-il.