La loi de modernisation de l’agriculture de 2010 a autorisé légalement, pour la première fois, le paiement d’un « pas de porte ». Le code rural interdit, par principe, à tout cédant ou bailleur de demander un dessous de table ou autre chapeau à son repreneur, sauf si le bail conclu avec ce dernier est cessible. S’il a très peu séduit au début, le « pas de porte » convainc de plus en plus les praticiens, qui le conseillent notamment lors de la cession d’une ferme à un tiers hors cadre familial.

Un avantage des deux côtés

Pour le cédant...

Face à un cédant propriétaire de terres qui souhaite valoriser la valeur de sa ferme d’un droit d’entrée, Stéphane Lefever, juriste à la FDSEA de la Somme, a trouvé la parade. Il conseille de céder la ferme sous la forme d’un fonds agricole, et de louer les terres au repreneur grâce à un bail mis au nom d’une société. L’avantage pour le cédant est qu’il se préserve de toute contestation qui pourrait intervenir ultérieurement de la part du repreneur.

Auparavant, en présence d’un dessous de table illégal, le repreneur pouvait, après la cession, agir devant le tribunal pour demander le remboursement. C’est ce que le droit appelle « agir en répétition de l’indu ». Et le juriste de préciser  : « Cette action est parfois rencontrée lorsque le repreneur est aux abois financièrement, ou en cas de mésentente avec le bailleur . »

 

… et pour le repreneur

Le repreneur tire aussi un avantage de ce dispositif. Le droit d’entrée qu’il accepte de payer sera compris dans la valeur des immobilisations incorporelles, fixé dans l’acte de cession du fonds agricole le jour où il reprendra la ferme. Il sera évalué de manière groupée avec les droits à paiement unique et le bénéfice tirés de toutes les conventions conclues avec des tiers et le bail cessible. « Il n’est pas nécessaire de détailler chaque élément, ajoute le conseiller. Ces éléments incorporels peuvent être négociés de façon globale entre le vendeur et l’acheteur. » Ce montant sera alors inscrit à l’actif de son bilan comptable et pourra être financé par la banque, contrairement à un dessous de table dissimulé. Le repreneur pourra ensuite céder le bail sans l’autorisation du propriétaire, contrairement à un bail rural.

Louer à La société

Si le cédant est déjà en société

« En pratique, lorsque le cédant exploite en société, il doit envisager de créer d’abord un fonds agricole, en déposant un formulaire auprès du centre de formalités des entreprises de la chambre d’agriculture, prévient Stéphane Lefever. Ce fonds, déclaré au nom de la société, doit ensuite être lié à un bail cessible, qui sera signé entre le cédant propriétaire de terres et la société. Quelques mois plus tard, on pourra établir devant le notaire la cession du bail cessible au repreneur, et réaliser la vente du fonds agricole. »

 

S'il est installé à titre individuel

La démarche est sensiblement la même si le cédant est installé à titre individuel, mis à part qu’il devra créer un groupement foncier agricole (GFA). Les terres en propriété qu’il souhaite louer au repreneur y seront apportées. « Dans un deuxième temps, il établira un bail cessible à son nom individuel, avant de le transmettre, quelques mois plus tard, au repreneur », précise le juriste.

Soigner la rédaction

Bail cessible

Comme les autres baux à long terme, le bail cessible doit être signé chez un notaire. Son loyer pourra être majoré, dans la limite de 50 % par rapport au maximum du fermage autorisé dans le département. La durée du contrat peut être supérieure à dix-huit ans.

 

Fonds agricole

Le document déposé au CFE pour déclarer un fonds agricole se limite à une page et est simple à remplir. La formalité est gratuite et doit être réalisée avant la cession de la ferme. Alexis Marcotte