Depuis l’invasion russe en Ukraine et la pandémie de Covid, la souveraineté alimentaire est devenue une question centrale des débats agricoles. Pour décrypter la situation à l’échelle européenne, deux députés, Charles Sitzenstuhl (Renaissance) et Rodrigo Arenas (LFI), ont produit un projet de rapport d’information spécifiquement sur la souveraineté alimentaire de l’Union européenne.
Présenté le 14 février 2024 en commission des affaires européennes, le document émet une première conclusion générale rassurante : « L’Europe est aujourd’hui capable de se nourrir, en quantité et en qualité. » Mais au gré des nombreux entretiens menés avec des acteurs des filières, des responsables politiques ou scientifiques en France et dans toute l’Europe, les rapporteurs n’ont pas manqué de soulever plusieurs points de vigilance.
Une souveraineté garantie par l’importation
Si l’Union européenne est la première puissance exportatrice mondiale, elle est aussi un acteur majeur en ce qui concerne l'importation. Une situation qui ne s’améliore pas, bien au contraire. « Nous décrochons pour la viande de volaille ou en fruits et légumes et nous notons une grande faiblesse européenne et sa dépendance à l’importation pour l’alimentation des élevages à base de protéine végétale », note Charles Sitzenstuhl, qui en appelle à la Commission européenne pour une véritable stratégie sur le sujet.
Son collègue et corapporteur Rodrigo Arenas a lui questionné la capacité du continent à tenir dans le temps. « C’est un colosse aux pieds d’argile. La menace qui pèse le plus sur la souveraineté est le modèle agricole, comme le ver est dans le fruit », analyse-t-il. Pour le député, l’épuisement des sols, l’usage d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires, couplés aux inégalités sociales du monde agricole mettent à risque la souveraineté de l’Union européenne sur le long terme. Tous les deux ont enfin appelé à réorienter la Pac vers une redistribution « plus solidaire » entre petites et grandes exploitations ainsi qu’un travail plus approfondi sur le renouvellement des générations et l’investissement dans les capacités de production.
Plusieurs propositions formulées
Au sortir de ces constats, Charles Sitzenstuhl et Rodrigo Arenas ont proposé près d’une trentaine d’autres recommandations à l’adresse de l’Union européenne. Ils proposent notamment « d’augmenter le budget de la Pac » et de renforcer « les moyens et le rang du commissaire européen chargé de l’Agriculture » ou encore d’inscrire le « zéro artificialisation nette » (Zan) dans la future directive sur la surveillance des sols et de l’élargir à tout le continent.
Sur le volet commercial, ils appellent à ne pas signer « en l’état des négociations », les accords avec le Mercosur et souhaitent « rétablir les conditions d’une concurrence équitable au sein du marché intérieur, en débutant par l’harmonisation mieux-disante de la réglementation européenne ».