« Pour ce début de printemps, le bilan de la pousse de l’herbe est globalement homogène toutes régions confondues, observe Jérôme Pavie, de l’Institut de l’élevage. L’hiver doux et humide a été suivi d’une mise à l’herbe précoce. Il y avait alors beaucoup d’herbe sur pied, ce qui a pu donner lieu à des “débrayages” de paddocks lors du premier tour de pâturage. En mars, le gel accompagné de vent d’est a ralenti la pousse. La chaleur de début avril a continué de peser sur la croissance de la végétation avant l’arrivée de la pluie à partir du 20 avril. » Ce qui a soulagé un grand nombre d’éleveurs, notamment à l’est du pays où les craintes d’une sécheresse plus marquée pointaient. « La Drôme, par exemple, a connu le printemps le plus sec de son histoire », ajoute-t-il.

 

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Le 11 mai, la situation fourragère est plus détendue. C’est le cas dans l’Est, à la ferme expérimentale Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre (Meuse). « La reprise de la pousse est toutefois timide, souligne Didier Deleau, ingénieur fourrage. Elle est mesurée à 40 kg de MS/ha/jour contre 80 à 100 kg habituellement à cette date. Nous sommes loin du pic. »

Amplitudes thermiques

Les sommes de températures sont pourtant en avance par rapport à d’habitude. Au 10 mai, elles atteignaient 865 °C (base 0 au 1er février) à Saint-Hilaire-en-Woëvre, contre 714 °C en moyenne lors des vingt dernières années. « Cette avance ne se visualise par toujours sur la végétation, car les amplitudes thermiques dans une même journée peuvent être importantes, constate l’expert. Nous avons toutefois débrayé quelques parcelles de pâturage­ pour les enrubanner en avril. 2 t de MS/ha ont été récoltées. Cela permettra d’obtenir des repousses précoces. Nous allons continuer le pâturage à raison de 35 ares/UGB lors du deuxième tour. Nous ne sommes pas inquiets pour l’instant, jusqu’à la deuxième décade du mois de juin. »

 

Dans le nord du pays, la pousse n’est pas extraordinaire pour la saison. « Lors de la première semaine de mai, elle atteignait 60 kg de MS/ha/j, déclare Quentin Dewilde, de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. Les disparités sont importantes entre les secteurs. Les récoltes d’ensilage de prairies battent leur plein. Les rendements ne semblent pas mirobolants et assez hétérogènes selon les zones. Il est important de ne pas faucher en dessous de 5 cm, pour ne pas pénaliser les repousses. Plus la gaine des graminées est coupée courte, plus la repousse sera longue. En début d’année, les apports d’azote qui n’ont pas toujours pu se faire au bon moment peuvent expliquer le faible niveau de rendement. »

 

Dans le Sud, « le premier tour de pâturage s’est achevé sous tension à cause du temps sec, observe Caroline Auguy, de la chambre d’agriculture du Tarn. Les ensilages ont cependant pris du retard pour une récolte au stade optimum des préconisations. Il sera important de terminer ces récoltes au plus vite pour obtenir des repousses à la fin du mois de juin, car c’est à ce moment-là que le déficit d’herbe commence à se faire sentir chaque année. »

Levée du maïs rapide

En Nouvelle-Aquitaine, à la ferme du Ciirpo (Centre interrégional d’information et de recherche en production ovine), en Haute-Vienne, « les repousses des parcelles enrubannées en avril seront réservées aux agneaux sevrés début juin », expliquent Cécile Valadier et Denier Gautier. Avec la pluie, la ressource devrait être satisfaisante.

 

Dans l’Ouest, à la ferme expérimentale Arvalis de La Jaillère, en Loire-Atlantique, Anthony Uijttewaal prévoit un pic de la pousse après le 15 mai, si les températures se redressent par rapport à celles enregistrées autour du 10 mai. « Nous avons réalisé les premiers semis de maïs en avril dans les sols les plus filtrants dans de bonnes conditions. Les levées ont été rapides et homogènes. »

 

Dans le Centre, à la ferme de Jeu-les-Bois, dans l’Indre, il est tombé près de 130 mm de pluie début mai, rendant « impraticables » certaines parcelles près de la Bouzanne, un affluent de la Creuse. « Nous espérons que ces zones puissent se ressuyer rapidement pour exploiter au mieux la ressource, sans dégrader la structure du sol », déclare Nicolas Dagorn.

Marie-France Malterre