Limons profonds de Picardie, terres de craies de Champagne, sols argilo-calcaires du Berry, terres humifères du Béarn, coteaux argilo-calcaires du Lauragais : voilà les cinq terrains de jeux des plate-formes expérimentales du projet Syppre (lire ci-contre). Depuis 2015, des systèmes de grandes cultures plus rentables et plus écologiques, conçus par des agriculteurs et des experts régionaux, y sont testés. « On vise une réduction de 50 % de l’IFT par rapport à la référence régionale de 2012, de 20 % les apports d’azote minéral, les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie tout en augmentant les stocks de matière organique, » précise Laurent Rosso, directeur général de Terres Inovia.

Ensuite, d’autres objectifs ont été ajoutés selon les enjeux locaux : réduire l’érosion des sols dans le Lauragais, améliorer la gestion des adventices dans le Berry, ou encore adapter la monoculture de maïs aux contraintes réglementaires et techniques dans le Béarn (lire l’encadré en page 31)…

Passer à des rotations sur huit à dix ans

Ainsi, pour chaque contexte, un système « innovant » a été comparé à un système classique de façon théorique avec le logiciel Systerre avant de le tester au champ.

En Picardie, le système de référence betterave – blé – pomme de terre – blé – colza ou pois de conserve – blé a été comparé au système innovant betterave – blé – féverole – blé de printemps – maïs grain ou betterave – pois de conserve – colza – pomme de terre – blé. Ce dernier présente de « bonnes performances mais la baisse de la fréquence de retour de la betterave et de la pomme de terre dégrade de 16 % les résultats économiques, précisent les instituts qui suivent une nouvelle piste. Après une première rotation privilégiant l’augmentation des stocks de matière organique, la betterave pourrait donc remplacer le maïs. »

En Champagne, la rotation blé – orge de printemps – betterave – blé – colza a laissé place à un système sur dix ans : betterave, pois de printemps, colza associé, blé sous couvert de trèfle, orge de printemps, betterave, blé, pois et orge associés, tournesol ou chanvre, blé. « Ce système engendre une légère baisse de rentabilité mais permet de réduire la consommation d’azote, d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, conclut Pascal Amette, de l’ITB. En revanche, la réduction de l’IFT n’atteint pas du tout 50 %. Pour s’en rapprocher, on prévoit de se pencher sur le choix des intercultures et l’utilisation du strip-till. »

Dans le Berry, le classique colza – blé – orge laisse la place à une rotation sur neuf ans : lentille ou soja – blé dur ou améliorant – colza associé – maïs – tournesol – blé – pois associé à un couvert d’orge – sarrasin – blé – orge. « L’objectif d’améliorer la gestion des adventices du départ est largement atteint, l’IFT herbicide devrait donc baisser régulièrement, remarque Gilles Sauzet, de Terres Inovia.On note aussi de bonnes performances économiques et une réduction de l’azote et de l’énergie mais d’autres problèmes se posent : complexification du système avec notamment une succession de deux cultures d’été dans ce milieu en faible réserve utile qui constitue un challenge, besoin d’acquérir beaucoup de connaissances, besoin en main-d’œuvre… »

Dans le Lauragais, la lutte contre l’érosion passe par une réduction du travail du sol et une couverture quasi-permanente des sols. De ce fait, la succession blé dur – tournesol a laissé sa place à une rotation sur huit ans : couvert de luzerne ou de trèfle semé avec le colza et maintenu encore deux ans sous du blé dur puis de l’orge d’hiver, cultures intermédiaires, sorgho, pois d’hiver, sarrasin en dérobé, blé dur, tournesol, blé tendre. Si ce système améliore les performances de productivité et de rentabilité de l’ordre de 20 %, le passage au semis direct et la maîtrise des couverts permanents ne permettent pas de réduire l’IFT.