« Dès ma première visite chez Michel et Jean Charraud à Joussé dans la Vienne, en vue de reprendre leur exploitation, j’ai compris l’importance de la valorisation des couverts végétaux par les brebis dans leur système, déclare Quentin Chausteur. En regardant les comptes de plus près, je me suis rendu compte que les frères vendaient chaque année 20 à 30 tonnes de foin alors que le chargement dépassait 1,7 UGB par hectare. »

Des partenariats avec des céréaliers

Quentin Chausteur s’est finalement installé sur cette ferme de zone intermédiaire en 2022. Il a repris les 1 500 brebis et les 130 hectares, tout en développant la stratégie mise en place par ses prédécesseurs. Les partenariats que les deux frères Charraud avaient noués avec les céréaliers du secteur sont prolongés. D’autres ont vu le jour, comme celui avec Stéphane et Jérôme Dufresne, à la tête de 500 ha de céréales et d’oléoprotéagineux à Usson-en-Poitou, une commune située à une dizaine de kilomètres de Joussé.

Thierry Pelletier (à gauche) et Jérôme Dufresne (à droite) accueillent les brebis de Quentin Chauster (deuxième en partant de la gauche) sur leurs couverts. Jean Charreaud (troisième en partant de la gauche) a cédé le troupeau qu'il détenait avec son frère Michel.à Quentin Chauster. ( ©  Marie-France Malterre/GFA)

« Nous implantons des couverts dès la moisson, explique Jérôme Dufresne. Le but est de restructurer le sol qui souffre de compaction. Depuis que nous avons repris l’exploitation familiale, nous avons adopté des techniques simplifiées pour le travail du sol. » Semé le plus tôt possible après la moisson pour bénéficier de l’humidité, le mélange comprend 7 kg de sorgho piper, 3 kg de sorgho Karim, 7 kg d’avoine brésilienne, 5 kg de tournesol, 2 kg de lin, 2 kg de trèfle incarnat, 1 kg de niger, 1 kg de phacélie, 0,6 kg de radis chinois, 0,5 kg de radis fourrager et 1 kg de moutarde d’Abyssinie.

« Une grande partie de la semence est produite sur l’exploitation », précise Jérôme. En fonction de la rotation, les frères pratiquent aussi le double semis : en septembre, après le pâturage, ils enrichissent le couvert estival avec des graines de légumineuses non gélives (féveroles, pois, vesce) à l’aide d’un semoir à disques adapté. « L’ambition est de recharger le sol en azote. »

La pluie a favorisé la levée du couvert en 2023. Le 10 juillet, les plantes semées après la récolte de l'orge étaient déjà bien développées. ( ©  Marie-France Malterre/GFA)

Un calendrier qui varie suivant la pluviométrie

En août, dès que le couvert est suffisamment développé, Quentin Chausteur conduit ses brebis sur les parcelles. La date varie suivant la pluviométrie. « Il est important que le troupeau puisse arriver suffisamment tôt pour consommer la ressource encore jeune et riche », explique-t-il. Le pâturage s’effectue toutefois jusqu’au début du printemps suivant alors que la plupart des plantes ont gelé. Les animaux continuent de les consommer. Le piétinement de la parcelle participe à la destruction du couvert.

Le trajet s’effectue en bétaillère d’une capacité de 70 brebis. « Je clôture un paddock de 5 ha sur lequel j’installe environ 300 brebis », explique le jeune exploitant. Elles restent une dizaine de jours en fonction de la densité de la ressource, puis changent de paddock.

Quentin Chausteur a investi dans du matériel pour clôturer vite « tout en limitant la pénibilité », insiste-t-il. Il s’agit d’un engin sur lequel un dispositif a été monté pour poser et déposer piquets et fils sans descendre du véhicule. L’ensemble du parcellaire des céréaliers est irrigable, ce qui facilite l’abreuvement des animaux.

Quentin Chauster a investi dans un outil pour poser et déposer les clôtures. ( ©  Marie-France Malterre/GFA)

Grâce à des bâtiments fonctionnels et une organisation rigoureuse, la contrainte de l’aménagement des parcs et de la surveillance reste supportable pour Quentin Chausteur. « L’apport des concentrés dans les différentes bergeries s’effectue automatiquement via un distributeur programmable. Cela me permet d’assumer la rotation et la surveillance des brebis sur les couverts, y compris pendant les périodes d’astreinte importante comme les agnelages qui débutent en juillet. » Seul un parc de contention manque pour travailler idéalement. L’achat est prévu. Pour l’instant, les six chiens de conduite facilitent le regroupement du troupeau.

Reprise d’état

Après le sevrage, les brebis sont choisies pour consommer ces couverts. « Elles entrent amaigries sur les parcelles (note d’état d’engraissement autour de 2,5) et elles reprennent vite de l’état », assure Michel Charraud. Elles sortent avec une note d’état d’engraissement de 3,5-4. Quentin Chausteur a réalisé des luttes également sur les couverts et avec lesquelles il a obtenu de bons résultats de prolificité.

L’avantage de cette organisation, c’est que le pâturage chez les céréaliers en hiver épargne les prairies de l’élevage. Elles sont par conséquent productives et cela explique la vente de foin. Les brebis de Quentin Chausteur valorisent les couverts chez plusieurs céréaliers, dont des prairies appréciées des brebis. Il existe d’autres partenariats du même type dans le département. Les accords sont toujours oraux.

Les modalités sont en revanche variables. Parfois, il n’y a pas de contrepartie au pâturage. Dans certains cas l’éleveur finance la semence du couvert, tandis que d’autres apportent du fumier chez le céréalier, ou versent une indemnité journalière à la brebis. Des céréaliers participent aussi à la surveillance du troupeau.

Thierry Pelletier, qui accueille aussi le troupeau de brebis de Quentin Chauster, a remarqué que le passage des animaux avait un effet positif sur les limaces. Elles sont moins nombreuses sur les cultures qui suivent.

« Le pâturage nous évite un broyage avant de réimplanter la culture suivante, explique Jérôme Dufresne. Cela représente une économie de 30 à 40 €/ha. Nous utilisons beaucoup moins d’herbicide. Avant de rencontrer Quentin Chausteur, nous nous posions la question de monter un élevage », ajoute-t-il. De son côté, le successeur des frères Charraud compte développer le pâturage « extérieur » et augmenter l’effectif de son troupeau à 2 000 têtes.