Propriétaire de deux sites d’exploitations distants de 5 km, le Gaec Delavelle a fait un pari audacieux. Tous les ans, à l’arrivée de la belle saison, les exploitants scindent en deux troupeaux leurs 80 vaches montbéliardes et simmentals à la traite. Tandis qu’un troupeau reste sur les 45 hectares (ha) de l’exploitation familiale historique, l’autre s’installe sur 50 ha de pâtures rachetées en deux fois dans les années 2000. Guillaume Delavelle, installé depuis le 1er février 2025 avec sa compagne Morgane Louvet, perpétue l’initiative de ses parents.
« Nous avons choisi de profiter de l’herbe au maximum, explique-t-il. Nous aurions pu pâturer un site et faucher l’autre, mais nous aurions sans doute eu plus de mal à faire autant de lait à l’herbe. » Autre avantage, l’alternance entre la fauche et le pâturage de l’intégralité des prairies permet de lutter contre le campagnol, un ravageur causant de sérieux dégâts sur cette zone géographique. Le deuxième site s’est agrandi au fil du temps, passant de 20 ha sans bâtiment en traite mobile, à 50 ha et un bâtiment de 20 places avec huit postes de traite sur rails.

Deux payes de lait
En hiver, la ferme comtoise historique du Gaec accueille 70 vaches à la traite en système à l’attache, avec 12 postes de traite sur rails. De la mi-avril à la mi-novembre, la gestion se complique puisque Guillaume, Morgane et leur salarié traient sur les deux sites. Tout est dupliqué sept mois durant : le camion de collecte passe sur les deux fermes, les éleveurs reçoivent deux payes de lait et deux analyses de lait quotidiennes, obligatoire en lait cru.
« En cas d’analyse anormale, le dédoublement permet de trouver le problème plus efficacement, rapporte Guillaume. Nous essayons de maintenir les 1 000 litres (l) de lait par jour sur le deuxième site durant cette période, pour y faire 200 000 l par an. Sur le site souche, nous sommes à 400 000 l, soit un total de 600 000 l par an. » En hiver, le Gaec compte 70 vaches en lactation, mais monte à 80 têtes au plus fort de la saison d’herbe pour maximiser la production. En mai, les vaches produisent en moyenne 30 l de lait par jour, contre 20 l en hiver.
Pour limiter la surveillance du troupeau expatrié à 5 km, Guillaume constitue un lot de 35 vaches gestantes, qui vêleront entre novembre et janvier. « Grâce à cela, nous ne transférons aucune vache vers une autre pâture jusqu’en septembre, où il faut commencer à tarir », indique-t-il. Résultat, le taux protéique du lait monte souvent à 39 sur ce deuxième troupeau composé de vaches plus avancées en lactation. Le site ancestral accueille de son côté 45 vaches à la traite, avec notamment les fraîches vêlées.

Déprimage au printemps
Au pâturage, la stratégie est identique sur chaque unité. À la mi-avril, les vaches ont accès à la totalité du parcellaire (respectivement 45 et 50 ha) pour effectuer le déprimage. « Nous valorisons la petite herbe de printemps et cela n’a pas d’influence sur le rendement », précise Guillaume. En mai, les éleveurs resserrent les clôtures pour passer en pâturage tournant sur des parcelles de 10 à 15 ha. Ils alternent avec de la fauche de foin et de regain. À l’automne, la totalité de la surface est de nouveau mise à disposition des vaches, après les foins de regain.
Par ailleurs, 6 ha d’orge sont cultivés chaque année, en rotation sur l’ensemble des parcelles. Les prairies ne sont pas ressemées pendant quinze ans. « Nous utilisons un mélange suisse dit “OH”, ajoute l’éleveur. Il ne monte pas en tige et s’adapte bien à l’alternance fauche pâture. » Les vaches reçoivent une ration orge maïs et du tourteau pendant la traite, avant de regagner les prés pour la nuit. Au total, Guillaume distribue 1,4 tonne d’aliments par vache et par an, pour une limite de 1,6 tonne autorisée par le cahier des charges AOP Comté Morbier. L’éleveur se considère comme intensif au regard de la zone Comté, ayant atteint les 4600 l par ha et par an autorisés.