L’optimisation de la distribution des concentrés représente un levier économique important en élevage laitier. Ajuster l’apport à chaque vache selon sa capacité à valoriser la ration de base a germé à l’Institut de l’élevage (Idele), qui a lancé le projet Harpagon en 2022. Les recherches menées à la ferme expérimentale des Trinottières (Maine-et-Loire) entre 2022 et 2023, et présentées le 1er avril dernier, montrent que cette approche reste difficilement faisable en ferme et ne permet pas d’économiser de concentrés en moyenne sur le troupeau.
Il existe pourtant bien des profils de vaches qui savent maintenir leur production en compensant la baisse de concentrés par davantage d’ingestion à l’auge. Un premier essai l’a démontré aux Trinottières en 2022.
Le protocole consistait à donner 4 kg de concentrés par jour à un lot de 30 vaches pendant trois semaines, puis à réduire brutalement à 1 kg par jour pendant la même durée. Ce cycle a été répété trois fois. Les vaches avaient le même stade de lactation à 30 jours près. Tous les profils de réponse ont été observés.
« Certaines sont capables de compenser la baisse de concentrés en intégrant plus de matière sèche à l’auge, rapporte Laure Brun Lafleur, statisticienne à l’Idele. D’autres ne mangent pas davantage plus mais ne perdent pas de lait. Plusieurs vaches ne compensent pas à l’auge et perdent en production. » Fait intriguant, les vaches changent de comportement d’une répétition à une autre, rendant complexe l’idée d’identifier un profil stable sur le long terme (lire l'encadré). L’ingestion des vaches était suivie grâce à des auges peseuses.
Croissance non pénalisée
Un deuxième essai mené en 2023 met en évidence le comportement distinct des primipares. Sur un lot expérimental de 23 vaches complémentées individuellement selon leur profil de réponse, un sous-groupe de 10 animaux — capables de compenser à l’auge le déficit de concentrés tout en maintenant une production laitière proche de la normale — était majoritairement composé de primipares. « Ces vaches pourraient permettre de réaliser quelques économies de concentrés », estime Valentine Landais, chargée de mission à l’Idele.
Un ajustement sans risque pour la croissance ou la reproduction, selon Amélie Fischer, ingénieure à l’Idele, puisque « ces vaches-là consommaient autant que les autres en compensant à l’auge avec une ration de base équilibrée en protéines et en énergie pour subvenir aux besoins ».
À l’échelle du troupeau, optimiser les concentrés individuellement ne comporte pas d’avantage. Le lot expérimental, comparé à deux lots témoins — l’un en ration semi-complète basé sur la production laitière et l’autre en ration complète — , n’a pas produit plus de lait, et avait les mêmes performances zootechniques. Pas de réels avantages donc, un protocole d’identification des profils performants trop chronophage et infaisable matériellement en ferme.