Pour la seconde fois en un an, à l’appel de la FDSEA et JA, une trentaine de jeunes agriculteurs ont investi, le 11 juin 2024, les locaux du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté pour dénoncer la gestion calamiteuse des fonds européens dont la collectivité a la responsabilité depuis janvier 2023.
Cette région est la seule en France où l’État a dû reprendre la main sur une partie des dossiers FEADER (fonds européen pour le développement rural). En cause, la gestion erratique des fonds européens du second pilier (aides JA, modernisation, diversification).
Fin 2023, après un an de tergiversation, le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté avait dû accepter de transférer l’instruction de 800 dossiers aux DDT et chambres d’agriculture. Début avril 2024, 1 845 dossiers PCAE (modernisation, transition) et diversification, déposés dans le cadre de l’ancienne programmation 2014-2022, restaient encore en souffrance. « Entre le 1er janvier 2023 et le 31 mars 2024, les services du conseil régional n’ont instruit en propre que 146 dossiers, soit dix par mois, déplorent les organisations professionnelles. Au rythme actuel, il faudra dix ans pour finir le travail. Or compte tenu de la date limite pour l’instruction (juin 2025), le risque est de voir les crédits européens non consommés repartir à Bruxelles. »
Incompétence administrative
Certains manifestants ont témoigné des difficultés causées par "l’incompétence administrative de la collectivité".
Installé au 1er janvier 2022 sur l’exploitation familiale (40 vêlages avec embouche), Julien Fenéon de Saint-Julien-de-Civry a engagé la construction du tunnel prévu dans son PDE (plan de développement de l’exploitation) et la rénovation de son parc de contention. Le dossier PSN (Plan stratégique National) a été déposé le 30 mai 2023 à la région. Ni la confirmation par la Région que son dossier était complet et serait subventionné, ni l’autorisation de démarrer les travaux, ni la venue sur sa ferme en novembre 2023 du vice-président de la région chargé de l’agriculture, n’ont suffi : 13 mois après le dépôt de son dossier, il n’a toujours pas reçu la convention attributive demandée par la banque ! Pour maintenir à flot sa trésorerie, il a dû revendre plusieurs vaches qu’il avait achetées pour développer son cheptel. « Sans le soutien de mon entourage, j’aurai cessé mon activité », se désole-t-il.
Souscription d'un prêt
Dans le cadre de l’installation d’un second fils le 1er janvier 2023, la famille Barnaud à Saint-Germain-en-Brionnais a engagé un projet de construction de stabulation allaitante. Celui-ci a fait l’objet de deux dépôts de dossiers PCAE en 2022 et d’un dépôt de dossier PSN début 2023 (aménagement intérieur). Alors que les deux PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles) ont été signés par la Région et que les travaux ont démarré en juillet 2023 (condition pour bénéficier de taux encore raisonnables à 1,97 %), le PSN n’a toujours pas de convention. Il faut pourtant finir le bâtiment et payer les factures aux artisans.
« La seule solution que l’on nous propose actuellement serait la souscription d’un prêt MT supplémentaire à 4,5 %, explique Philippe Barnaud dans une colère noire. Ce qui représente une annuité de 13 000 € pendant 15 ans à notre charge. Nous ne nous laisserons pas faire. Nous sommes en train de rassembler les agriculteurs qui ont les mêmes difficultés que nous. »
Christian Morel, le vice-président de la région chargé de l’agriculture, a annoncé qu’il reviendrait sur l’exploitation de Julien Fénéon le 16 juillet. Il y est attendu de pied ferme.
Alors la nouvelle programmationdes fonds FEADER (2023-2027) doit être mise en place, les syndicats (JA, FDSEA, Coordination rurale) demandent que l’État reprenne entièrement la main sur l’instruction des dossiers.