« Quand je vais semer, j’appelle la coop ou des indépendants pour leur demander quelles sont les tendances », témoigne Fabien Barailhe, agriculteur bio à Mirepoix, dans le Gers. En effet, « le marché du bio est très différent du conventionnel ! », s’exclame Romain Aubert, technico-commercial à la coopérative Agri Bio.
« Répondre aux besoins du marché »
En agriculture conventionnelle, le marché des céréales est mondialisé, « les agriculteurs peuvent aller sur internet et voir le prix actuel de leur culture. Ce n’est pas le cas en bio », reprend-il. En effet, « le bio est un marché physique qui répond à la loi de l’offre et la demande. Si l’on n’a pas de client, il est impossible de s’avancer sur un prix », assure Romain Aubert.
Fabien Barailhe ajoute : « répondre aux besoins du marché est une contrainte à prendre en compte tous les six mois, et qui s’ajoute à tous les autres critères. » « En septembre, on fait le bilan de ce qui a bien ou moins bien marché, et on fait le point sur les rotations et les problématiques liées aux adventices, énumère Romain Aubert. Ensuite, on s’intéresse au commerce en regardant quelles sont les cultures porteuses — même si en début de campagne, la coop ne peut donner que des tendances. »
La décision d’implanter ou non une culture peut être reportée jusqu’au dernier moment. « Parfois, il y a des opportunités, comme la tendance à la hausse du tournesol il y a deux ans », se souvient le technico-commercial.
« Avoir un fil rouge »
Le premier obstacle à franchir avant d’éventuellement satisfaire le marché est la rotation. « Il faut avoir un fil rouge et accepter de se balader autour », résume Fabien Barailhe. « Typiquement, un agriculteur peut avoir prévu de faire blé puis tournesol. Mais si le pois chiche est intéressant, il va peut-être se détourner du tournesol », illustre Romain Aubert. Avec une contrainte : « En culture de printemps, on est limité dans le Gers en raison des ravageurs sur le soja et du côté aléatoire du sarrasin », précise le technicien.
Réfléchir aux rotations, c’est « aussi le principal outil de lutte contre les adventices », souligne l’agriculteur. « Les adventices les plus complexes en bio sont la folle avoine et le xanthium, mais aussi le rumex, le chardon des champs et le datura, indique Romain Aubert. Il est important de bien les identifier et de connaître leur population afin de mettre en place un plan d’action et éviter de se salir les champs. »
La météo peut aussi peser lourd dans la balance. Fabien Barailhe a dû revoir son assolement plusieurs fois cette année et « implanter plus de tournesols que prévu » à cause des conditions de semis difficiles à l’automne.
Une fois tous ces enjeux pris en compte, le producteur a trouvé le bon équilibre dans le pois chiche, qu’il a implanté sur 16 de ses 88 hectares cette année. « L’avantage, c’est qu’on aura la prime légumineuses. Donc même si le rendement est faible, on s’en sortira, tranche-t-il. Ça me dérange de réfléchir comme ça, mais c’est nécessaire. »