Avec une absence de précipitations depuis février, les producteurs algériens de céréales sont plus que jamais inquiets pour les récoltes de cette année, tandis que, sur près de 3 millions d’hectares réservés à la céréaliculture, les périmètres irrigués représentent moins de 5 %. Pour retrouver un épisode de sécheresse similaire à celui de cette année, il faut remonter jusqu’à 1944, selon les archives de l’Office algérien de la météorologie (ONM). Les constats établis par des associations professionnelles, instituts agronomiques ou les témoignages d’agriculteurs sont unanimes pour anticiper des récoltes en forte baisse, notamment pour le blé tendre qui, selon eux, est beaucoup moins résistant au manque d’eau et à la hausse des températures par rapport à d’autres types de céréales.
Interdiction d’irriguer
Parmi les céréaliculteurs touchés, Aït Abderrahim, producteur de blé de consommation et multiplicateur de semences sur une exploitation familiale de plus de 30 ha dans le département de la Wilaya de Tiaret (Ouest), premier bassin céréalier de l’Algérie, décrit une situation « calamiteuse ».
« Nous cultivons en sec, parce que les autorités nous empêchent d’irriguer (allusion au refus d’autorisation de réaliser des forages, NDLR), et, avec zéro précipitation durant le printemps, alors que c’est la période charnière pour le développement des plantes et des épis, il est certain qu’une grande partie de nos cultures ne seront pas moissonnées, faute de rendements », témoigne-t-il.
De son côté, le Conseil interprofessionnel de la filière céréalière, à l’issue d’une réunion d’urgence le 4 mai 2023, a adressé aux pouvoirs publics une liste de mesures d’urgence à prendre, dont « des autorisations de forage, la fourniture de kits d’irrigation modernes et économes, l’effacement ou le rééchelonnement des dettes des producteurs de céréales », etc.
Privilégier le blé dur
Au-delà de la saison en cours, le ministre algérien de l’Agriculture, Abdelhafidh Henni, a lui évoqué début mai une nouvelle stratégie pour la filière. « Dans notre vision future, nous allons élargir les surfaces affectées au blé dur, qui est plus adapté aux nouvelles conditions climatiques, pour parvenir à l’autosuffisance et exporter les surplus de production, puis importer le blé tendre, dont l’Algérie est parmi les plus grands consommateurs (au monde) », a déclaré le ministre.
Selon le GAIN (Réseau mondial de l’information agricole) et l’USDA (Département américain de l’agriculture), sur la base de statistiques de 2021, la consommation moyenne de l’Algérie en blé est estimée entre 11 et 12 millions de tonnes par an, dont plus de 70 % en blé tendre. Avec la nouvelle donne climatique, c’est l’objectif de dépasser la récolte de 4,1 millions tonnes de l’an dernier et d’atteindre des rendements moyens de 30 quintaux par hectare fixé en début de saison qui se dissipe.