Au même titre que dans les autres pays maghrébins, la filière de l'élevage au Maroc connaît un déclin accéléré. Les cheptels ont perdu près de 40 % de leurs effectifs par rapport à leur niveau de 2016. Imputant cette crise au changement climatique et au stress hydrique après six années de sécheresse consécutives, mais aussi à la disparition de certaines races locales, le gouvernement a dû intervenir en annonçant au début de juin un « programme de relance durable de la filière de l'élevage ».
Visant la reconstitution des cheptels bovin et ovin, ce programme, qui s’étale sur deux ans (2025 et 2026), est doté de près de 600 millions d’euros qui seront octroyés aux éleveurs pour les inciter à « la préservation des femelles reproductrices ».
Abattage interdit
Outre l’interdiction de l’abattage de ces dernières, plusieurs mesures sont également prévues. Il s’agit de subventions et d’exonérations des droits de douane et de la TVA sur l’importation de bovins, de l’approvisionnement des éleveurs en aliments du bétail et de l’effacement de leurs dettes, du renforcement des mesures pour la santé animale et d’un nouveau dispositif d’aide au profit des jeunes ruraux.
Selon des données de l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat, les races locales représentent 45 % du cheptel bovin marocain (95 % dans les années 1970), les bovins améliorés (20 %) et ceux croisés (35 %).
Face au déclin du cheptel bovin, le directeur de la Fédération marocaine des éleveurs, Ahmed Aït Taleb, pointe du doigt la disparition des races locales, mieux adaptées au climat de la région, et leur remplacement par celles importées.
3,3 millions de têtes
Selon lui, la race bovine d'Oulmès-Zaër, originaire du Moyen-Atlas, rustique et très résistante aux conditions climatiques difficiles, « est la seule qui existe encore », avec un effectif estimé à 80 000 têtes seulement. Pour relancer celle-ci, « un programme de préservation et de sauvegarde de la race est mis en place, dont les axes tournent autour de l’amélioration génétique, l’encouragement de l’insémination artificielle et la formation des éleveurs », a affirmé ce responsable. Parmi les autres races locales, il y a la brune de l’Atlas et la tidili, dont il ne reste que le nom.
Outre les effets de la sécheresse, l’orientation de l’agriculture marocaine vers d’autres cultures à forte valeur ajoutée et tournées vers l’exportation a eu aussi un impact sur l’élevage. Les agriculteurs locaux privilégient en effet l’oléiculture et autres plantations arboricoles au détriment des cultures fourragères et des céréales destinées à l’alimentation animale. Ces choix posent en conséquence « un vrai problème quant à l’autonomie fourragère de l’élevage marocain », explique le chercheur spécialiste des productions animales Sofiane Layadi.
En 2023, le cheptel bovin marocain est évalué à 3,3 millions de têtes (viande et lait) et les ovins 21,6 millions de têtes. Avec une part de 38 % dans le PIB agricole et une valeur économique de plus de 3,30 milliards d’euros, la filière de l'élevage est l’un des piliers de l’agriculture marocaine.