Le récit d’Étienne Moyenin glace les sangs. Ce berger, en poste sur l’estive d’Ourdouas en Ariège, est réveillé le 21 août 2020 vers 5 heures du matin par les aboiements des chiens de protection. Sortant de la cabane d’appoint, il aperçoit alors un ours. « J’ai braqué le projecteur sur l’animal situé à une centaine de mètres de moi, lorsque je me suis rendu compte qu’il était accompagné d’un ourson, explique-t-il. J’ai crié, mais au lieu de s’enfuir, la mère m’a chargé. J’ai juste eu le temps de me réfugier dans l’abri d’urgence. »
Étienne Moyenin n’est pas prêt de ressortir de la cabane pendant la nuit. Chaque matin, il rejoignait la couche du pic de l’Har à 2 400 mètres d’altitude (jusqu’à 1h30 de marche) avant le lever du jour pour être auprès des animaux lorsqu’ils démarrent la pâture. Pour autant, le berger compte bien honorer son contrat jusqu’à la fin (15 octobre 2020). « Même si travailler dans de telles conditions est épuisant, explique-t-il. J’entretiens de bonnes relations avec les propriétaires du troupeau. Si je partais aujourd’hui, cela les mettrait en difficulté alors qu’ils ont fait leur possible pour améliorer mon confort de travail », ajoute-t-il.
Évaluer les risques humains
La situation est celle de l’effaroucheur effarouché, jugent les éleveurs du groupement pastoral de l’estive. « Les questions de la sécurité des bergers et du code du travail sont posées, souligne François Thibaut, l’un des membres du groupement. Nous avons alerté la préfète à ce sujet lors de sa venue sur l’estive le 25 août 2020. Il est nécessaire d’évaluer les risques humains. Les ours bruns sont des animaux dangereux. Les accidents signalés dans le monde sont fréquents et le fait de pouvoir observer les ours au repos ne change rien à leur nature de prédateur. »
L’événement intervient sur l’estive d’Ourdouas alors que d’importants moyens de protection ont été déployés. « Nous avons mis en place un gardiennage renforcé », déclarent les éleveurs. Cinq chiens de protection sont en faction et un parc de regroupement nocturne est également prévu. Le niveau d’effarouchement 2 a été déclenché. « Les agents de la brigade « loups » sont montés à la rencontre d’Étienne Moyenin le 25 août pour deux jours et deux nuits. Les munitions de leurs armes ne sont pas létales. « Il faudrait réviser les protocoles d’intervention », estime François Thibaut.
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