Au deuxième et dernier jour du procès à Pau, l’avocate de l’association L214, à l’origine des images choc filmées il y a deux ans et demi dans l’abattoir, a dénoncé l’usage « abusif et systématique » des mauvais traitements, de la maltraitance animale. Ce procès s’est ouvert hier, le 17 septembre 2018, devant le tribunal correctionnel de Pau.
L214 à la barre
Pointant des déclarations à la barre « où chacun se rejette la faute sur l’autre », Maître Hélène Thoury a estimé qu’il y avait eu « manifestement et clairement un usage abusif et systématique de mauvais traitements » dans l’abattoir. Pour l’avocate, toutes les règles n’ont pas été respectées à dessein par la direction.
Auparavant, devant une salle toujours comble d’amis des prévenus et d’éleveurs, le nouveau directeur de l’abattoir Xavier Guimon a mis l’accent sur la difficulté de former les abatteurs, initiés en interne car « il n’y a pas de formation en France ». Il évoque également les nouvelles consignes mises en place dans l’entreprise.
« Chaque opérateur a une fiche de poste, un document de quatre ou cinq pages selon le poste, présente-t-il. Nous avons des contrôles. […] Nous nous efforçons de faire respecter la protection animale au sein de l’abattoir. » En tant que représentant légal de l’abattoir, il répond de 10 chefs d’inculpation dont celui de tromperie sur la nature de la marchandise.
« La majorité des clients sont restés »
L’abattoir emploie actuellement 35 salariés et son chiffre d’affaires pour 2017 a été de 2 millions d’euros. « La majorité des clients sont restés, cela montre que nous faisons de la qualité », assure-t-il. Trois employés, comme l’établissement en tant que personne morale, sont jugés pour « mauvais traitements infligés sans nécessité à un animal domestique ».
Cette infraction est passible d’une amende de 750 € au plus. L’abattoir et son ex-directeur doivent aussi répondre de « tromperie sur la nature, la qualité, l’origine ou la quantité d’une marchandise », un délit passible de deux ans de prison et 300 000 € d’amende. Tous contestent toute volonté de maltraiter les animaux.
Tous les prévenus, ainsi qu’un quatrième employé, sont également poursuivis pour divers manquements aux règles de l’abattage : absence de précaution ou d’étourdissement préalable, saignée tardive… Dix associations de défense des animaux se sont portées parties civiles dont L214, la SPA et la Fondation Brigitte Bardot.
« La cadence, on la subissait »
Hier, les employés de l’abattoir de Mauléon ont axé leur défense sur le manque de personnel et le matériel défaillant. « La cadence, on la subissait », a lancé Gérard Arhie, 32 ans, technicien abatteur au moment des faits, devant le tribunal correctionnel où il comparaît.
Le débit rapide, usant de nombreux termes techniques, Gérard Clemente, 67 ans, ex-directeur de l’abattoir, s’emporte. « J’ai passé 40 ans dans un outil sans m’être rendu compte que j’étais un négrier. […] Je gère le nombre de bêtes selon le nombre de salariés », dit l’homme aujourd’hui retraité, en contestant les cadences trop soutenues.
Les services vétérinaires, qui ne sont pas mis en cause dans l’affaire, ont été poussés dans leurs retranchements pour expliquer les près de 200 infractions constatées sans fermeture de l’abattoir. « Oui, potentiellement on avait les moyens d’intervenir mais je n’avais pas de documents officiels pour m’y appuyer », a justifié Philippe Barret.
« Pas de volonté de faire souffrir » les animaux
À la barre, le chef de service « abattoirs et sous-produits » de la direction vétérinaire départementale a estimé qu’il n’y a « pas eu de volonté de faire souffrir » les animaux, assurant que lors de ses inspections annuelles, il a constaté « des infractions mais pas de délits de cruauté ».
À propos de ces infractions, au nombre d’une centaine, Philippe Barret a néanmoins reconnu « un certain nombre d’anomalies sur le traitement des animaux. On aurait dû avoir plus de fermeté », regrette-t-il tout en pointant une période lors de laquelle l’abattoir « manquait de personnel ».
« À aucun moment, il n’y a eu de volonté de faire souffrir », renchérit Marie-Claude Boucher, de la Brigade d’enquête vétérinaire en charge de l’enquête, « tant sur les vidéos que lors de l’audition du personnel. Des mauvais gestes, du matériel qui ne fonctionnait pas peut-être, un manque de personnel certain ».
Et d’évoquer la « cadence exceptionnelle d’une période avant Pâques. Au visionnage, on voit des animaux qui sursautent, ça ne veut pas dire qu’ils souffrent. Il n’y a que l’opérateur qui peut se convaincre de l’état de conscience de la bête », ajoute-t-elle en estimant que les manipulations faites par le personnel étaient « plutôt de bon niveau ».