Évolutions contrastées cette semaine : les prix des céréales ont été poussés vers le haut par les difficultés de semis et de récolte. Le complexe oléagineux s’est affaissé avec de bonnes conditions pour le soja en Amérique du Sud et la perspective du maintien de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

La hausse se poursuit en blé

Le marché du blé est resté orienté en nette hausse cette semaine, les prix affichant un gain de 2,00 à 2,50 €/t sur le marché physique : +2,50 €/t rendu Rouen, à 179,50 €/t, et +2,00 €/t rendu La Pallice, à 179 €/t, en base juillet. La progression est encore plus marquée pour le Matif qui grimpe de 4,50 €/t, à 184,00 €/t, pour l’échéance de décembre en milieu de journée.

Ce sont surtout les difficultés concernant les semis qui ont poussé les prix cette semaine au 25 novembre 2019. Selon FranceAgriMer, les agriculteurs français avaient terminé 80 des semis prévus. C’est mieux que les 74 de la semaine dernière, mais un beau retard par rapport aux 99 réalisés à cette date l’an dernier.

Avec l’humidité qui s’annonce encore pour les deux prochaines semaines, la situation devient inquiétante et conduit maintenant à réviser à la baisse les prévisions des surfaces emblavées pour la récolte de 2020. Ces déboires français viennent s’ajouter à une situation qui apparaissait problématique il y a déjà plusieurs semaines au Royaume-Uni.

Au total, l’Europe semble sur la voie d’une nette perte de surface de blé pour la récolte de 2020 même si la situation est bien meilleure chez d’autres producteurs comme l’Allemagne par exemple, où les semis sont quasi terminés et voisins de ceux de l’an passé. La chute de l’euro face au dollar et le maintien de chargements élevés la semaine dernière a aussi encouragé la hausse des prix ainsi que l’appréciation des blés ukrainiens (+5 $/t sur la semaine).

Dégradation de la compétitivité française

Conséquence de cette situation, les blés français valent aujourd’hui 207 $/t Fob sur le marché mondial. C’est seulement 2 $/t de moins que les blés russes à 12,5 de protéines et 1 $/t de moins que les blés baltes ou allemands à 12,5 de protéines. La compétitivité des blés français est donc en train de se dégrader et cela risque de limiter la hausse à court terme.

Sur l’Algérie, les blés français se retrouvent juste à parité désormais avec les blés argentins. L’annonce de l’Algérie de vouloir limiter ses importations de blé tendre nous semble sérieuse même s’il est difficile, pour l’instant, d’envisager une très forte baisse dès la seconde moitié de la campagne en cours.

Pour la prochaine campagne, la récolte de blé dans l’Union européenne pourrait donc baisser à cause de la réduction des surfaces. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les surfaces d’hiver ont fait un nouveau bond en Russie et que les conditions de développement des cultures sont bonnes dans ce pays.

Les orges fourragères suivent le mouvement

Nouveau renchérissement en orge cette semaine, les cotations gagnent 3 €/t rendu Rouen (164,25 €/t en base juillet) si bien que les orges françaises valent maintenant 190 $/t Fob (+3 $/t par rapport à la semaine dernière). Ce mouvement fait suite à l’orientation haussière du blé et à l’achat de l’Arabie de la semaine dernière. La Tunisie, de son côté, a acheté 50 000 tonnes d’orge cette semaine pour chargement sur décembre et janvier.

Avec cette nouvelle hausse, les orges françaises repassent au-dessus des orges de la mer Noire (187 $/t Fob), ce qui dégrade leur compétitivité. Ce facteur, ainsi que les larges surplus qui sont toujours prévus à la fin de la campagne dans l’Union européenne, devrait limiter la hausse prochainement.

Pas de changement cette semaine pour les prix des orges de brasserie de la récolte de 2019. En revanche, le prix des orges brassicoles de printemps s’affaisse de 1 €/t pour la récolte de 2020 (à 177 €/t Fob Creil en base juillet). Cela s’explique probablement par la perspective d’un report sur les orges de printemps de certaines surfaces prévues en blé initialement.

Le maïs monte aussi

Le maïs aussi a suivi le mouvement général de hausse des céréales. Son prix s’élève de 3 €/t Fob Rhin (à 167 €/t) et de 1 €/t Fob Bordeaux (à 165,75 €/t) en base juillet. La récolte a progressé en France depuis la semaine dernière (92 contre 88) mais elle reste en retard par rapport à la moyenne des cinq dernières années, de six jours selon FranceAgriMer.

Ce retard et les risques de dommages induits se sont conjugués cette semaine à la forte demande qui s’adresse à l’Ukraine et qui a fait gagner 5 $/t aux prix ukrainiens (à 169-170 $/t). Par ailleurs, les importations de maïs en provenance des pays tiers dans l’Union européenne ont ralenti ces dernières semaines et cela a soutenu aussi les prix.

Le prix du soja continue de chuter

Les éléments baissiers s’accumulent sur le marché du soja. D’une part, les conditions climatiques ont été favorables à l’implantation et au développement du soja en Amérique du Sud grâce aux récentes précipitations. On note encore des retards de semis dans la région du Mato Grosso du Sud et dans le Rio Grande, deux États du sud du Brésil. Ces retards peuvent toutefois être rattrapés dans les prochaines semaines, vu les conditions climatiques annoncées.

Ensuite, les récoltes ont encore progressé aux États-Unis cette semaine et devraient bientôt s’achever. Finalement, les craintes que la guerre commerciale entre l’Oncle Sam et la Chine puisse encore se prolonger se sont encore renforcées à la suite de la promulgation le 27 novembre par le président Trump d’une loi soutenant les manifestants pro-démocratie de Hong Kong.

Cette résolution menace de suspendre le statut économique spécial accordé par Washington à l’ancienne colonie britannique, si les droits des manifestants ne sont pas respectés. La Chine a, dans la foulée, menacé les États-Unis de représailles. Ainsi, le cours du soja a chuté de 7 $/t à Chicago sur la semaine.

Le prix du tourteau de soja a suivi celui de la fève, et a ainsi reculé de 8 $/t cette semaine. Une production américaine record de tourteau de soja sur le mois d’octobre a également pesé sur les prix. Cette baisse s’est en partie reportée sur les cours à Montoir qui perdent 2 €/t cette semaine (à 330 €/t). Le recul des prix est tempéré par une bonne demande des fabricants d’aliments, dans un contexte économique plutôt porteur pour les élevages bovins et porcins.

En pois, des achats de couverture sur le rapproché et une hausse du prix du blé fourrager ont fortement soutenu les prix, qui gagnent 7 €/t départ Marne à 202 €/t.

Le prix du colza s’effrite

L’assombrissement des perspectives d’accord commercial entre les États-Unis et Chine a pesé également sur le marché mondial du colza. Au Canada, les prix perdent ainsi 7 $/t cette semaine, alors que la fin de la grève des employés de la compagnie ferroviaire canadienne, intervenue cette semaine, devrait fluidifier les chargements vers les usines de trituration et les ports.

En France, le cours du colza recule plus modérément (−3 €/t en rendu Rouen, −1 €/t en Fob Moselle). La baisse est en effet limitée par le léger rebond de la parité euro/dollar et par les faibles disponibilités sur le marché européen. Par ailleurs, les perspectives de récolte en 2020 ne s’annoncent qu’en petite hausse par rapport à 2019.

À l’échelle européenne, les conditions d’implantation des colzas n’ont en effet pas été idéales, bien que demeurant dans l’ensemble meilleures que pour 2019-2020. Les températures automnales plutôt douces et des pluies abondantes ont offert des conditions favorables à la formation des rosettes. En parallèle, de nombreuses attaques de ravageurs étaient déplorées, et difficiles à contrôler avec des conditions climatiques peu propices aux interventions phytosanitaires.

Du côté des huiles, le colza n’a bénéficié d’aucun soutien cette semaine. Après un fort rebond, les prix ont corrigé à la baisse cette semaine à Rotterdam, à la suite de l’huile de palme. Les exportations ont en effet ralenti (−3 en novembre) au départ de la Malaisie, vers la Chine et l’Inde.

Le tournesol tire son épingle du jeu

Malgré une récolte record cette année en Mer Noire, les prix du tournesol restent soutenus. Le cours à Saint-Nazaire gagne 5 €/t cette semaine à la suite des achats de la part des triturateurs pour assurer l’approvisionnement des usines cet hiver. La bonne demande en huile de tournesol, bien placée par rapport à ses concurrentes, soutient également le prix de la graine par ricochet.

Les prix au départ de la Mer Noire sont reconduits cette semaine (344 $/t Fob).

Tallage

À suivre : fin des semis de blé en France, compétitivité des orges et des blés français, conditions climatiques Amérique du Sud (soja), Europe et mer Noire (colza), relations diplomatiques sino-américaines.