« Le suicide des agriculteurs est un thème qu’on n’aborde pas en cours. En deux ans, je n’en ai pas entendu parler à Agrosup », explique Ophélie Pierçon, étudiante en deuxième année d’agronomie.
Âgés de 21 à 23 ans, Florian, Victor, Justine, Ophélie et Apolline ont ainsi décidé, dans le cadre de leur projet étudiant de deuxième année, de bousculer les pratiques. Et de « sensibiliser les futurs ingénieurs et futurs techniciens au mal-être et aux suicides des agriculteurs ».
Pour éviter le passage à l’acte
À l’issue d’une enquête menée en Côte-d’Or, auprès de la MSA, des syndicats agricoles, de la chambre d’agriculture, du conseil départemental, de la DDT, de cabinets de gestion et d’expertise comptable, ainsi que d’associations comme Solidarité Paysans ou du dispositif pluridisciplinaire « Faire face ensemble », les cinq étudiants ont restitué leurs résultats, le 23 janvier 2020, devant l’ensemble des élèves d’Agrosup Dijon, ainsi que d’étudiants en BTS et licence de lycées agricoles de la région.
Dans un document de synthèse, destiné à circuler parmi les élèves, ils ont répertorié notamment les signes avant-coureurs des suicides, les causes (dettes, catastrophes agricoles, agribashing, problèmes familiaux…), les dispositifs d’aide aux agriculteurs et les comportements à adopter face à un agriculteur en détresse.
« Face à la détresse d’un agriculteur, il faut savoir réagir. Il y a des phrases simples à prononcer, comme “Je connais un dispositif susceptible de t’aider”, et qui peuvent éviter le passage à l’acte. »
Les cinq étudiants ont organisé, à Dijon, un débat pour une meilleure prévention de suicide des agriculteurs. © R. Aries/GFA
Leur démarche a été facilitée, expliquent-ils, par la sortie du film « Au nom de la Terre » d’Édouard Bergeon sur le suicide de son père. « Ça nous a donné un support de choix pour mobiliser sur le sujet. » Une projection du film était organisée à l’issue de leur présentation, ainsi qu’un débat.
« Notre formation doit aussi nous donner les clés du bien-être des agriculteurs »
« Notre projet a été bien perçu par l’école et par les étudiants, reprend Ophélie Pierçon. Nos promotions comptent de moins en moins d’enfants d’agriculteurs. Sur la centaine que nous sommes en deuxième année, nous devons être une quinzaine. Cela veut dire que nombreux n’ont pas eu l’occasion d’être sensibilisés au malaise agricole. Certains nous ont même avoué n’en avoir jamais entendu parler. »
« Ceux qui étaient au courant ignoraient la plupart du temps quels étaient les organismes susceptibles d’intervenir pour aider les agriculteurs en difficulté, poursuit l’étudiante. Nous sommes de futurs cadres destinés à travailler auprès des agriculteurs, notre formation doit aussi nous donner les clés de leur bien-être. »