Le constat est difficile pour la filière d’abattage française. « Le métier est en profonde mutation, décrit Yves Fantou au congrès annuel de Culture Viande, le syndicat des entreprises françaises de l’abattage-découpe qu’il préside, le mardi 15 octobre 2024 à Paris. Un abattoir ferme tous les mois depuis un an, le prix des animaux a augmenté de 40 % en moyenne bovins et porcs confondus, et il est difficile de le répercuter sur les prix [aux consommateurs] dans un contexte de lutte contre l’inflation. »

Les lois Egalim ne devaient-elles pas permettre de mieux répartir la valeur entre les maillons des filières ? Alexandra Kirsch, directrice du think-tank Agriculture Stratégies, estime que « par principe, cela ne pouvait pas marcher. Il y a trop de trous dans la raquette. On a prévu tellement de voies de sortie que seulement entre 5 et 15 % de la filière entre dans le cadre d’Egalim. » Ludovic Paccard, directeur général du groupe Sicarev, nuance. « Sur le fond, cette loi n’a rien réglé et c’est un vrai sujet. Pour autant, ça a permis de commencer à mettre en place des contrats formalisés. »

Orienter grâce aux contrats

Pour Ludovic Paccard, c’est le meilleur moyen d’enrayer la décapitalisation. « Nous avons besoin d’une feuille de route. Nous avons les ressources en jeunes bovins pour relocaliser la production en France et alimenter nos abattoirs rapidement. Il faut également adapter le produit au marché, grâce au potentiel génétique de certaines races en termes de précocité, afin de sortir l’animal plus tôt et correspondre aux attentes du consommateur. »

Orienter la production selon la demande n’est pas un message toujours bien reçu. Selon Jean-Paul Bigard, président du groupe Bigard, les relations n’étaient jusqu’ici pas étroites entre la filière d’abattage et celle de la production. « Quand on explique que ce n’est pas le type d’animaux qu’il faudrait produire, on nous dit d’aller voir ailleurs car dans tous les cas ils trouveront preneur. »

Jean-Paul Bigard confirme cependant que le positionnement des abatteurs est « intermédiaire » entre les consommateurs et les producteurs. « Se mettre d’accord sur le prix des jeunes bovins, aller vers la contractualisation… On n’a pas besoin d’Egalim pour faire ça. Il faudrait qu’on respecte le professionnel et que le politique arrête d’imposer des pratiques. »

Mais Yves Fantou garde bon espoir : « Une petite révolution démarre avec la contractualisation. Peut-être qu’on arrivera à orienter un peu mieux la production. »