Le spectre des épizooties continue de planer en France. Pour les porcs, c’est la peste porcine africaine (PPA) qui inquiète. Le virus continue de se propager chez nos voisins allemands. D’après l’Institut du porc, le 26 octobre, la PPA a fait un saut de 60 kilomètres à l’ouest de la zone de protection établie autour des premiers foyers.

 

À lire aussi : Face à la crise, la Cooperl rabote son prix du porc (27/10/2021)

La grippe aviaire en embuscade

Du côté des volailles, l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) circule toujours activement en Europe. Deux foyers en élevage ont déjà été confirmés pour la saison 2021-2022 : le 18 octobre en Italie et le 26 octobre aux Pays-Bas. De quoi susciter l’inquiétude des professionnels, quelques mois seulement après l’épizootie ayant frappé l’Hexagone lors de l’hiver 2020-2021.

 

À lire aussi : De nouvelles mesures de prévention obligatoires contre l’influenza aviaire (01/10/2021)

 

Sur le volet des exportations, les dommages du dernier épisode d’IAHP ont toutefois été amoindris, « passant de 120 millions d’euros en moyenne lors des deux précédentes crises [2015-2016 et 2016-2017, N.D.L.R] à près de 20 millions d’euros en 2020-2021 », chiffre le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dans un rapport publié le 19 octobre. Et ce, à la faveur de « l’application et du développement des accords de zonage ».

Travail de fond

Définie par l’Organisation mondiale de la santé animale, la notion de zonage (ou de régionalisation) permet de maintenir les échanges au départ des zones indemnes au sein d’un pays infecté par une maladie. Bien que de nombreux pays tiers ne soient pas enclins à l’appliquer avec la France concernant l’IAHP, plusieurs ont, au fil des crises, accepté un zonage « à une échelle de plus en plus réduite, portant généralement sur le département et parfois la commune », indique le CGAAER.

 

Pour les experts du ministère de l’Agriculture, « le travail effectué depuis une dizaine d’années par la DGAL (1) et le réseau des conseillers agricoles en ambassade pour obtenir l’application par les pays tiers du principe de zonage semble donc avoir porté ses fruits ».

 

Le 20 octobre, les autorités sanitaires françaises et taïwanaises ont signé un accord officialisant la reconnaissance du zonage IAHP. « Taïwan rejoint ainsi la liste des pays tiers (Brésil, Hong Kong, Indonésie, Japon, Mexique, Russie) avec lesquels la France a réussi la reconnaissance et l’application du zonage IAHP », appuie FranceAgriMer.

 

Cependant, un partenaire commercial de taille reste difficile à convaincre sur le volet sanitaire : la Chine. Alors même que la France a recouvré son statut indemne de l’IAHP depuis le 2 septembre, « nous n’avons toujours pas accès au marché chinois, malgré tous les efforts déployés », regrette Marie-Pierre Pé, directrice du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras.

 

Le maillon de la génétique aviaire en fait également les frais. À tel point que, pour limiter les risques, « les entreprises de ce secteur ont diversifié leurs implantations et développé leurs activités de multiplication à l’étranger, pointe le CGAAER. La France a ainsi perdu, pour les principaux acteurs mondiaux, son attractivité de plateforme de distribution de la génétique vers les pays tiers. »

Rigidités chinoises

S’agissant de la filière porcine, l’empire du Milieu, premier consommateur mondial, ne manque pas non plus de rigidités. Comme d’autres pays hors Union européenne, la Chine refuse de reconnaître le principe de zonage de la PPA avec ses partenaires commerciaux. C’est le cas avec l’Allemagne, touchée par le virus depuis septembre 2020.

 

À lire aussi : Un vaccin américain efficace contre la peste porcine africaine (12/10/2021)

 

« L’obtention d’un accord de zonage lui permettrait de retrouver ses flux d’exportations vers ces débouchés pour les zones non touchées de son territoire et alléger d’autant le marché européen », analyse le CGAAER, dans un rapport publié le 30 septembre.

 

De son côté, la France bénéficie de « discussions anciennes » avec la Chine. Si bien qu’en 2019, « un accord de principe sur le zonage de la PPA avait été signé entre Paris et Pékin », rappelle Anne Richard, directrice d’Inaporc, l’interprofession porcine. Mais le sujet a peu avancé en 2020, « en raison d’un climat politique peu favorable (crise Covid et interférences liées à la 5G et à Huawei) », explique le CGAAER.

 

Pour autant, « le dossier est sur le haut de la pile », assure Anne Richard. En témoigne l’entretien, le 26 octobre, entre Emmanuel Macron et son homologue chinois Xi Jinping. D’après l’Élysée, le Président français a « insisté sur la qualité des échanges dans le secteur agroalimentaire, et les attentes de la France quant au zonage porcin ».

 

À lire aussi : La Chine pourrait reconnaître le zonage de la peste porcine africaine (08/02/2021)

 

L’interprofession porcine a également été sollicitée par les autorités sanitaires chinoises, afin de démontrer la qualité du système de traçabilité français. « Nous sommes en train de finaliser un document vidéo, et espérons la signature d’un accord sur le zonage de la PPA avant la fin de l’année », confie la directrice d’Inaporc.

Difficile réciprocité

Pékin serait toutefois déterminé à demander la reconnaissance d’une réciprocité entre le zonage et la compartimentation. Plus exigeante que le zonage, cette dernière « permet de sécuriser un ensemble d’établissements d’une filière à partir desquels les échanges pourront se poursuivre, malgré la contamination du reste de la filière et du pays, ou de certaines zones de ce dernier », expose le CGAAER.

 

À lire aussi : Le marché européen du porc reste engorgé (18/10/2021)

 

C’est une disposition plus adaptée à la Chine, où la PPA est présente « dans toutes les régions, d’où l’impossibilité d’établir une zone indemne », observe Mylène Petit, chargée de mission sanitaire à Inaporc. En revanche, l’empire du Milieu dispose de très grandes unités d’élevage et de transformation plus faciles à sécuriser et à contrôler en tant que « compartiment ».

 

Ce point précis pourrait poser des difficultés dans les négociations entre les autorités sanitaires chinoises et françaises, en l’absence d’un cadre réglementaire européen. Or « sans l’aval de Bruxelles, la France n’a pas mandat à nouer un accord de compartimentation avec un pays tiers », indique Mylène Petit. Car la Chine ne perd pas de vue ses propres intérêts.

 

« En filigrane derrière ces discussions sur un zonage lié à la PPA dans le secteur porcin, se profile une structure d’accord pour d’autres filières animales, dont les volailles, que la Chine souhaite exporter depuis longtemps vers l’Europe », prévient le CGAAER. Vincent Guyot

(1) Direction générale de l’alimentation.