Dès son installation sur l’exploitation familiale dans la Vienne, en 2004, Dominique Gaborieau instaure un premier partenariat avec un éleveur voisin, en permettant à ses moutons de pâturer les repousses de colza sur sa ferme. « J’ai constaté un vrai intérêt agronomique, en termes de nettoyage des parcelles et de réduction de la pression des limaces », se rappelle l’agriculteur.

Il décide ensuite d’implanter des couverts, ne voulant pas laisser de terrains nus durant les intercultures longues. « C’était une association toute faite d’avoine brésilienne, trèfle d’Alexandrie et vesce commune, assez basique, et qui a très bien fonctionné la première année, explique-t-il. Le pâturage a été une bonne façon de les valoriser. » Puis l’éleveur avec qui il travaille remplace son atelier ovin par du bovin, et le pâturage devient plus difficile à mettre en place. « Il m’a recommandé un autre éleveur à proximité qui n’avait pas assez de surfaces pour faire pâturer ses moutons. Je l’ai rencontré, et depuis, on ne s’est jamais quitté, raconte-t-il. J’ai tous les bénéfices de l’élevage, sans les contraintes. »

Échanges gagnants

Depuis 2012, l’agriculteur gère également l’exploitation de son beau-père décédé. À la tête de 400 ha, Dominique Gaborieau implante chaque année 150 ha de couverts, qu’il sème en direct, le plus tôt possible après la récolte, et en fait pâturer entre 50 et 60 ha. C’est un échange gagnant-gagnant entre les deux parties : l’éleveur paye les semences des couverts, le céréalier s’évertue à lui fournir du fourrage. Ensemble, ils travaillent la composition des couverts, qui se complexifie peu à peu. Ces derniers se composent désormais d’une dizaine d’espèces, dont une majorité de légumineuses. « Il m’a fait introduire 1 kg/ha de rave, bénéfique pour les animaux, explique l’agriculteur. En quinze ans, j’ai eu deux réels échecs où le climat n’a pas permis le pâturage », ajoute-t-il.

La réussite du couvert dépend de la qualité de son implantation, estime l’agriculteur, qui privilégie le semoir à dent pour les semer. « En quinze ans, j’ai eu le temps de tester plusieurs techniques. Par exemple, le travail en TCS en préalable n’est pas idéal car il assèche le sol, résume-t-il. Je fertilise également les couverts végétaux une fois qu’ils sont bien installés, à hauteur de 20 unités d’azote/ha. »

Les partenariats ne s’arrêtent pas là : Dominique Gaborieau échange avec quatre éleveurs sur la base d'une tonne de paille contre deux tonnes de fumier . Parce que l’entente se déroule bien, il est allé plus loin en implantant 30 ha de luzerne sur ses parcelles proches des habitations, « pour éviter les passages de pulvé », qu’il échange sur pied contre du fumier. « Cela fait huit ans que la luzerne est en place. Je sursème chaque année un méteil dedans (pois, vesce, féverole, avoine ou seigle), qui est ensilé en avril contre du fumier également, puis la luzerne reprend la suite et subit deux ou trois coupes selon la météo », indique l’agriculteur.

Réduction des charges

«J’ai vite compris que mon exploitation céréalière ne pouvait pas fonctionner sans élevage. Tout le monde voudrait un schéma tel que celui-ci, mais il est difficile de trouver des zones avec des animaux, et surtout des éleveurs avec lesquels on s’entend bien. Cela reste une histoire d’humains », confie-t-il.

Le céréalier obtient 2 000 à 2 500 tonnes de fumier de bovin par an et 1000 m3 de lisier, qu’il épand au printemps. Il récupère également 1000 t de compost végétal d’une déchetterie locale. Il apporte toujours de l’engrais minéral, mais en moindre quantité grâce à l’application de matière organique, aux couverts et à l’introduction de légumineuses et protéagineux dans la rotation, et à la modulation de l’azote par l'outil N sensor. « Sur maïs par exemple, j’apporte 120 unités d’azote minéral/ha contre 200 unités/ha auparavant, explique-t-il. Je sème par ailleurs le maïs au strip-till, avec localisation d’azote soufré sur la ligne de semis, ce qui évite les pertes ammoniacales, et le valorise au mieux. »