Face à la croissance de la population mondiale et à l’augmentation de la consommation de viande, les scientifiques s’intéressent de près à l’agriculture dite « cellulaire ». Celle-ci comprend l’ensemble des procédés de production in vitro de produits animaux (viande et poisson, œufs, lait, cuir, etc.), sans avoir recours à l’élevage en tant que tel.

Protéines in vitro

Deux méthodes sont utilisées : la production cellulaire et acellulaire. La première permet de reconstituer à l’identique, sur le plan cellulaire et moléculaire, des tissus prélevés sur l’animal. C’est de cette façon que fut créé, en 2013, le premier steak de bœuf in vitro par le professeur néerlandais Mark Post. L’autre place au sein d’un micro-organisme le gène codant la protéine que l’on souhaite synthétiser, ce qui favorisera son développement. On donne ainsi vie à du blanc d’œuf et du lactose en laboratoire.

Aux États-Unis, l’agriculture cellulaire n’en est plus au stade de la recherche. Il est d’ores et déjà possible de consommer dans onze restaurants du pays l’« Impossible Burger », un steak entièrement végétal dont l’apparence, la texture et le goût sont quasi identiques au steak haché de bœuf. Nous l’avons testé près de San Francisco, chez KronnerBurger.

Pour parvenir à ce résultat, les équipes d’Impossible Foods, l’entreprise qui développe le burger et qui est financée notamment par Bill Gates, ont isolé et mis en culture un composé présent en grande concentration dans la viande, l’hème, qui lui confère sa couleur et sa saveur si particulières. Ajouté à un mélange de légumes et de légumineuses, le résultat prêterait presque à confusion. Pour l’heure, le burger est vendu en moyenne 14 dollars, un prix qui s’inscrit dans la gamme des tarifs pratiqués dans les restaurants de burgers américains.

L’entreprise Ripple Foods commercialise du lait sans une once de lactose, à travers les chaînes de supermarchés Whole Foods et Safeway. Son lait renferme protéines, vitamines et sucres issus d’huile de tournesol, de canne à sucre et de pois jaune. Aux États-Unis, les lois sur les produits issus des biotechnologies n’ont pas été revues depuis la fin des années 80, bien que les techniques aient fortement progressé. Le chantier de refonte du cadre régulateur avait été initié l’été dernier par l’administration Obama, sans amener de réponses concrètes jusqu’à présent.

Et l’agriculteur dans tout ça ?

On aurait tort de penser que l’agriculture cellulaire sonne le glas de l’agriculture traditionnelle. Et pour cause, les procédés sur lesquels repose cette forme d’agriculture ne permettent pas encore une production à grande échelle. Quand bien même une forme d’industrialisation serait envisageable à terme, elle permettrait par ricochet de revaloriser l’élevage et les produits issus d’une agriculture classique. De surcroît, elle pourrait être envisagée comme un axe potentiel de diversification pour les producteurs.