Éleveurs au cœur du Manitoba, Richard Rey et sa femme Janett, la soixantaine, ont trois enfants qui ne prendront pas la relève. La conjoncture économique de ces dernières années n’a pas été favorable. « Pour faire vivre deux familles, il faudrait 300 vaches. Si je n’avais pas vendu mon quota laitier il y a dix ans, le banquier serait mon meilleur ami », plaisante Richard. Le couple exploite 750 ha et élève 200 mères de race red angus et simmental rouge. Passionné d’élevage, Richard n’échangerait pour rien au monde « ses vaches contre des tracteurs ». Il est l’un des rares éleveurs du coin, la plupart ayant converti leurs terres en céréales.

Quatre millions de vaches allaitantes peuplent le Grand Ouest canadien. 75 % de la production de viande bovine se concentre en Alberta et au Saskatchewan. Le reste est réparti dans les autres provinces. Au Canada, les troupeaux passent l’hiver dehors, malgré les températures bien en deçà de zéro, et la neige. Les vêlages s’étalent de la mi-décembre à début mars. « Les mères sont rentrées 2-3 jours avant et ressortent 2-3 jours après. Le reste du temps, elles vont au parc », confirme Janett. Les veaux sont vendus à l’automne, lorsqu’ils pèsent autour de 250 kg. Leur prix est, en moyenne, de 1 700 dollars canadiens (1). Même si, « à l’automne 2015, il est descendu à 1 200 dollars. Il y a eu de plus mauvaises années », souffle l’éleveur, qui estime son coût de revient par veau à 800 dollars.

Des prix incertains

Une fois vendus, les veaux partent pour un premier cycle d’engraissement, avant de rejoindre des feedlots vers l’âge d’un an. Ils pèsent alors entre 315 et 430 kg. Ils y resteront six mois, pendant lesquels ils seront nourris avec du foin et des céréales (orge, maïs), jusqu’à ce qu’ils atteignent le poids du marché. Entre-temps, ils auront reçu trois piqûres d’hormones de croissance…

Au Canada, on dénombre quelque 68 000 ranchs et 67 000 parcs d’engraissement. « Mais il est difficile d’opérer une vraie distinction, car certains éleveurs font les deux », explique John Masswohl, directeur des relations avec les institutions pour l’Association des éleveurs canadiens.

Les propriétaires de feedlots achètent des veaux ou des bovins d’engraissement aux ranchs ou les engraissent à forfait pour des clients, en échange d’un paiement à l’acte. Selon leur poids quand ils arrivent au feedlot, les bovins sont habituellement prêts pour l’abattage entre 12 et 24 mois, ils pèsent alors entre 460 et 600 kg.

En moyenne, les feedlots de l’Ouest comptent 10 000 places, soit 20 000 têtes vendues par an aux deux principaux opérateurs d’abattage et de transformation du pays : Cargill et GBS. « Un propriétaire de feedlots me disait récemment qu’il serait content s’il arrivait à faire un bénéfice de 30 dollars par tête », raconte John Masswohl. Pour cet expert de la filière, la grande inconnue reste le prix et l’ouverture des marchés.

(1) Parcs d’engraissement intensif.

(2) 1 dollar canadien = 0,70047 euro.