« Lorsque j’ai repris l’exploitation familiale de 45 ha en 1993, tous les veaux nés des 42 mères charolaises présentes étaient engraissés en génisses et en bœufs de trois ans », explique Bruno Laprote. Il exploite aujourd’hui 158 ha et élève 90 mères charolaises à Chassenard (Allier). « J’ai toujours privilégié une orientation très “viande” de la génétique. » L’évolution du marché a ensuite privilégié la production de broutards mâles destinés à l’exportation.

« Je revois désormais cette orientation pour me sevrer des fluctuations incontrôlables des cours du broutard, poursuit l’éleveur. La maîtrise technique de l’engraissement n’est pas un problème mais encore faut-il que des débouchés soient en face de la production. C’est aujourd’hui le cas avec les contrats proposés par la coopérative Sicagieb pour des jeunes bovins (JB) de moins de 24 mois. » Bruno engraisse déjà toutes ses génisses sous contrat pour la filière Moy Park.

De 400 à 500 kg de carcasse

Alors que tous les mâles étaient vendus en broutards pour l’Italie jusqu’en 2021, l’éleveur commence par finir 16 veaux en JB en 2022, puis il adhère au nouveau contrat proposé par sa coopérative en janvier 2023. 32 JB seront commercialisés sur cette filière cette année. Un lot de 48 mâles pourrait suivre ce chemin pour 2024. « Je trie les veaux mâles au sevrage en octobre. Ils sont allotés en bâtiment en fonction de leur poids. Les plus lourds sont repoussés pour être vendus en décembre à l’exportation car je manque pour l’instant de place pour tous les finir en jeunes bovins », explique Bruno.

Les veaux mâles affichent 478 kg de carcasse à 18 mois avec une conformation U. (©  Monique Roque Marmeys )

Les veaux reçoivent un régime à base de foin et d’enrubannage complété au bout d’un mois d’un concentré composé de 70 % de céréales et 30 % de tourteau de colza. La quantité de concentré journalière distribuée s’élève à une moyenne de 6,5 kg sur huit mois. Seul le colza est acheté car les céréales sont produites et stockées sur l’exploitation. L’éleveur recourt à une prestation pour les aplatir et les mélanger avec le colza. Le concentré livré coûte 340 €/t. Des analyses régulières de l’enrubannage permettent de réduire la proportion de colza à 20 % si la qualité du fourrage le permet.

Les 32 veaux vendus en 2023 ont affiché un poids moyen de 478 kg de carcasse et une conformation U= et U– à 18 mois d’âge moyen. « Ils répondent parfaitement aux critères exigés par le cahier des charges du contrat signé avec la coopérative, explique Julie Nugue, responsable technique à la Sicagieb. Les JB de race charolaise ou limousine doivent peser entre 400 et 550 kg de carcasse, avoir moins de 24 mois et être classé au minimum R+ avec une note d’engraissement de 2 ou 3 ».

Les animaux sont abattus à l’abattoir Puigrenier à Montluçon. Le prix appliqué est celui de la cotation FranceAgriMer indexé sur le prix de revient et les indicateurs Egalim. Le prix objectif est connu par l’éleveur lorsqu’il engage ses veaux sous contrat avec un prix minimum garanti. « Notre objectif est de créer une filière organisée et d’encourager l’engraissement chez les éleveurs naisseurs de notre région », souligne Bertrand Nugue, directeur des achats à Puigrenier.

Gagner en autonomie alimentaire

Les vêlages se déroulent entre janvier et mars. Les vaches et leurs veaux sont mis à l’herbe à la fin de mars en cinq lots conduits en pâturage tournant dynamique. Les prairies temporaires sont récoltées en enrubannage à la mi-avril puis fauchées toutes les cinq semaines. 40 ha de prairies permanentes sont fanés après avoir été déprimés.

« J’ai augmenté les proportions de trèfle à plus de 50 % dans les semis de temporaires pour gagner en autonomie, précise l’éleveur. Le taux de protéines est passé de 14 à 18,5 % dans l’enrubannage. Les céréales produites sur l’exploitation sont également indispensables tout comme la paille. Il serait impossible d’engraisser des animaux s’il fallait tout acheter. »

Les performances de reproduction sont au rendez-vous, avec 90 veaux élevés sur 90 vêlages en 2023. À l’avenir, Bruno envisage de réduire de cinq têtes son cheptel mère, afin de compenser le surplus de travail généré par l’engraissement des mâles et libérer d’autant les stocks fourragers.