Pour sa 7e édition à Cesson-Sévigné en Ille-et-Vilaine, les Assises nationales de l’agriculture et de l’alimentation, organisées par le quotidien Ouest-France le 14 novembre 2024, a fait débattre les participants sur les trajectoires agricoles récentes de l’Europe. Si les positions sur le libre-échange sont globalement partagées, plusieurs analyses s’affrontent sur les problématiques agricoles européennes et surtout plusieurs constats.

Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, a tenu à faire un rappel. « Dans certaines filières, dans certains secteurs, pour l’augmentation de rendement, nous sommes au bout. C’est difficile mais c’est la réalité, explique-t-elle. Nous ne pouvons pas baser l’avenir de l’agriculture européenne sur une hausse infinie des rendements. »

De son côté, Thierry Coué, secrétaire général adjoint de la FNSEA, avance une autre difficulté. « Si nous voulons être concrets, il faut le dire. Il y a un problème de compétitivité de la France, en Europe », pointe-t-il. Il vise ensuite l’Union européenne et un budget de la Pac en baisse qui accentue cette perte de compétitivité. « Quels outils on laisse aux agriculteurs pour répondre aux enjeux climatiques et à la souveraineté alimentaire, s’interroge-t-il. Depuis 2023 nous avons perdu 15 % du budget européen parce que l’inflation n’a pas été prise en compte. Entre 2023 et 2027, nous aurons perdu quasiment 20 %. »

Des injonctions contradictoires

Impossible d’évoquer cette perte de compétitivité sans évoquer le libre-échange, alors qu’une signature de l’accord avec le Mercosur se profile. Interrogée sur le double défi de la Pac pour l’adaptation aux changements climatiques et de la souveraineté alimentaire, Laurence Marandola a relevé cette contradiction de l’Union européenne. « Les véritables injonctions contradictoires que nous subissons, c’est entre l’objectif de souveraineté alimentaire, et les accords de libre-échange », fustige-t-elle. « C’est cette injonction de mise en concurrence qui pousse à l’augmentation des volumes et la baisse des prix. »

Alessandra Kirsch, directrice du groupe de réflexion Agriculture Stratégies, abonde elle aussi sur la pression mise sur les marchés européens de ces accords de libre-échange. « Aujourd’hui, le taux des importations sur la consommation en viande bovine au sein de l’Union européenne est à 4,7 %. Une fois qu’on aura signé des accords de libre-échange qui sont en cours de négociation, de discussion, on va arriver jusqu’à plus de 7,5 % », avance-t-elle.

Des conséquences sur le terrain

Cette perte de compétitivité implique d’autres conséquences, mal appréhendées, selon Laurence Marandola : « La recherche de compétitivité peut aussi cacher des effets néfastes qui ne sont pas pris en compte. Je veux parler de la disparition des fermes et de la diversification dans les exploitations. » Et de compléter : « La baisse du nombre d’agriculteurs, c’est de la désertification, des fermes plus grandes avec des surcharges de travail et des conditions parfois difficiles, des semaines de 70 heures. C’est ça que cache la recherche de compétitivité parfois. »