Les ambassadeurs des États membres ont adopté une version légèrement modifiée de l’accord trouvé le 20 mars entre négociateurs des États et eurodéputés pour reconduire pour un an, à partir de juin, l’exemption douanière à l’Ukraine assortie de restrictions.
Ce texte faisait l’objet de divergences entre les États qui souhaitaient protéger plus strictement leurs marchés, notamment en plafonnant le blé et abaissant les niveaux de plafonnement, et les États entendant ménager les revenus commerciaux de Kiev.
Période de référence étendue
Selon l’accord, Bruxelles pourra adopter rapidement « des mesures correctives » en cas de « perturbations importantes » sur le marché, même dans un seul pays, avec une surveillance accrue des flux de céréales.
Surtout, les importations de volailles, œufs, sucre, maïs, miel et avoine exemptées de droits de douane seraient plafonnées aux volumes importés en 2022-2023, au-dessus desquels des tarifs seraient automatiquement réimposés.
Le compromis entériné le 27 mars « reste le même, avec un ajout : la période de référence pour l’activation du « mécanisme de sauvegarde » (niveau du plafonnement automatique) serait étendue au second semestre de 2021 », selon un diplomate, évoquant « un équilibre extrêmement délicat ».
La France réclamait l’élargissement à l’année 2021 entière de cette période de référence, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 correspondent à des importations déjà massives. Le Parlement européen s’y était également dit favorable, mais plusieurs États s’y refusaient farouchement. Avant cet ajustement, Bruxelles prévoyait que les restrictions envisagées réduiraient au total d’environ 240 millions d’euros les exportations ukrainiennes vers l’Union européenne par rapport à 2023.
Accordée depuis 2022 pour soutenir l’Ukraine face à l’invasion russe, cette exemption de droits de douane alimente la colère des agriculteurs européens, qui accusent l’afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d’une concurrence « déloyale ».
Le blé et l’orge exclus du plafonnement
Désormais, les eurodéputés se pencheront sur le texte amendé avant un vote final en séance plénière en avril, en vue d’une entrée en vigueur d’ici à l’expiration au 5 juin de l’exemption douanière actuelle.
En revanche, le mécanisme de plafonnement n’inclut toujours pas le blé tendre et l’orge, comme le réclamaient plusieurs États — la France, la Pologne et la Hongrie en tête — à l’unisson des organisations agricoles, et comme le souhaitaient initialement les eurodéputés. Il fallait pour l’entériner une majorité qualifiée d’États (15 pays représentant 65 % de la population de l’UE).
« On a une déstabilisation des marchés des céréales », en raison de « la stratégie russe d’empêcher l’Ukraine d’aller sur ses marchés traditionnels » en Afrique et au Moyen-Orient, avait fait valoir mardi le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau. Il avait défendu des « demandes équilibrées », se disant soucieux d’éviter d’éroder « le soutien de l’opinion » à l’Ukraine dans l’Union européenne.
« Les routes maritimes via la mer Noire fonctionnent à nouveau, les produits ukrainiens vont retrouver leurs marchés », a observé son homologue hongrois Istvan Nagy. « Sans l’inclusion du blé, (l’accord) est inacceptable » pour Budapest, a-t-il prévenu.
Engagement renforcé en cas de déséquilibre des marchés
Le texte adopté le 27 mars, préparé par la présidence belge du Conseil européen, ne contient finalement qu’un engagement « renforcé » de la Commission européenne à activer des mesures de sauvegarde en cas de déséquilibre des marchés, notamment pour les céréales. « Cette proposition de compromis est une bonne base pour la reprise de discussions avec le Parlement européen », assure cependant une source française.
Mardi 26 mars, le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir s’était dit hostile à toute révision de l’accord initial. « Beaucoup ne comprennent pas que la défense de l’Ukraine, et donc notre défense à tous, ne consiste pas seulement à fournir des munitions, mais aussi à ne pas reprendre la propagande russe selon laquelle la baisse problématique des prix des céréales serait due aux livraisons ukrainiennes. Il n’y a aucune preuve de cela ! », s’était-il agacé.
L’Ukraine déçue
Kiev ne cache pas son incompréhension. « Nous sommes déçus. L’Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l’Union européenne », empêchant les prix de s’envoler trop, et lui « fournit environ 1 % de sa consommation totale d’œufs, 2 % de sa consommation de volaille : ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens », avait expliqué lundi 25 mars à l’AFP le ministre ukrainien de l’Agriculture Mykola Solsky.