« Nous sommes prêts à accepter un système de licences d’exportation » pour les produits à destination de la Pologne, « mais seulement pour quatre types de céréales. Nous avons déjà un système similaire avec la Roumanie et la Bulgarie », a expliqué le ministre ukrainien ce lundi 25 mars 2024, à la veille d’une réunion à Bruxelles avec ses homologues des Vingt-Sept.
Trouver une sortie de crise
Depuis février, des agriculteurs polonais bloquent des postes-frontières avec l’Ukraine pour protester contre la concurrence « déloyale » des denrées affluant du pays en guerre, exemptées de droits de douane par l’Union européenne depuis 2022. Et Varsovie réclame un plafonnement des importations de céréales ukrainiennes, après leur avoir appliqué en 2023 un embargo unilatéral.
Les deux voisins cherchent une sortie de crise. « Mercredi, une rencontre réunira les organisations agricoles ukrainiennes et polonaises, j’y participerai avec mon homologue polonais », avant « une réunion conjointe des gouvernements (des deux pays) jeudi », a déclaré Mykola Solsky.
Des pourparlers « très avancés »
Cité par l’agence PAP, le ministre polonais du Développement Krzysztof Hetman assurait lundi que les pourparlers avec Kiev étaient « très avancés, déjà au stade de l’établissement des produits sensibles » pour ce système de licences, avant une conclusion espérée « cette semaine ».
Mykola Solsky se montre plus prudent : « Je ne peux prévoir ce qui se passera à Varsovie cette semaine. Je voudrais être optimiste, mais je dois être réaliste. » Plus généralement, « l’attention portée à cette question est bien plus grande que le problème réel » alors que « 70 % des céréales sont exportées vers l’Asie, l’Afrique et d’autres régions », a-t-il déploré.
« Assurément déçus » par l'Union européenne
États membres et eurodéputés se sont mis d'accord pour reconduire pour un an, à partir de juin, l’exemption douanière accordée à l’Ukraine. Mais ils ont plafonné les importations de volailles, œufs, sucre, maïs et avoine de l’Ukraine dans l’Union européenne aux volumes de 2022-2023, niveaux au-dessus desquels des tarifs seront réimposés. Certains États, dont la France, souhaitent désormais voir les importations de blé également plafonnées.
« Nous sommes assurément déçus. Nous aurions voulu au moins discuter des chiffres. Ainsi, l’Ukraine a comblé un déficit de sucre dans l’Union européenne : le prix du sucre est aujourd’hui deux fois plus élevé qu’avant la guerre, et le sucre ukrainien l’a empêché, deux années consécutives, d’augmenter encore davantage », s’agace Mykola Solsky. « Ce n’est pas un problème pour les agriculteurs. »
En outre, « l’Ukraine fournit à l’Union européenne environ 1 % de sa consommation totale d’œufs, 2 % de sa consommation de volaille : ce que pourraient facilement consommer les réfugiés ukrainiens dans l’Union européenne. Je ne suis pas convaincu que cela bouleverse le marché. »
Le ministre ukrainien de l’Agriculture reconnaît une chute des prix du blé, mais qui pénalise également les cultivateurs ukrainiens. Elle s’explique, selon lui, par des « récoltes brésiliennes, argentines et américaines élevées », et les restrictions européennes n’influenceront guère des cours « fixés à Chicago et sur les marchés mondiaux ».
Les arguments européens réfutés
Les organisations agricoles européennes dénoncent cependant la concurrence « déloyale » de produits ukrainiens ne respectant pas les normes européennes (élevages géants, pesticides…) et surtout à très bon marché. Ce que réfute Mykola Solsky.
« Les agriculteurs ukrainiens payent leurs engrais (majoritairement importés) plus chers, nous avons actuellement un grave déficit de main-d’œuvre que nous ne savons où trouver, tous les coûts logistiques sont plus élevés que n’importe où en Europe, sans parler des assurances », assure le ministre ukrainien de l’Agriculture.
Le président français Emmanuel Macron assurait par ailleurs vendredi que de « grands groupes européens » détournaient l’exemption douanière « pour aller produire en Ukraine et réimporter avec des règles de production moins-disantes sur notre sol ».
De quoi surprendre le ministre ukrainien : « Nous avons beaucoup d’entreprises (négociantes) comme Louis Dreyfus présentes depuis 20 ans en Ukraine […], mais en général l’activité n’a pas augmenté, ce n’est pas si facile » d’opérer dans un pays en guerre, objecte-t-il.
Enfin, concernant la proposition de Bruxelles de taxer les produits agricoles russes, Mykola Solsky juge qu’il s’agit « d’un pas dans la bonne direction » mais appelle « à aller plus loin, avec un embargo total ».