Près d’un élevage laitier sur deux est dirigé par un chef d’exploitation âgé de plus de 55 ans. Pourtant la filière laitière est celle qui installe le moins aujourd’hui, enregistrant une chute de 31 % des installations entre 2012 et 2023.

La Fédération des Safer a étudié en 2024 les dynamiques de cession et d’installation dans les régions où elle réalise le plus d’opérations en bovins laitiers. Elle a retenu quatre départements – l’Ille-et-Vilaine, la Manche, la Mayenne, et le Jura – pour réaliser des analyses statistiques et des enquêtes. Et si dans certaines zones de déprise laitière, se pose d’abord la question de l’attractivité liée à l’astreinte en élevage et au prix payé à la production, dans les départements les plus laitiers, « il y a partout des candidats », constate Loïc Jegouzo, chargé de cette étude.

Trois fois plus de candidats que de cédants

L’Ille-et-Vilaine se distingue par le nombre de candidatures qui a doublé en quatre ans pour atteindre l’effectif de 101 en 2023. Les candidats y sont trois à quatre fois plus nombreux que les cédants. « Les laiteries jouent un rôle central », note le responsable de l’étude. Elles proposent des rallonges pour sécuriser les installations. Dans le premier département laitier français, les exploitations ont donc tendance à s’agrandir. Face à la difficulté de trouver de la main-d’œuvre salariée, ces exploitations se robotisent de plus en plus.

Dans un contexte différent, le Jura attire également une moyenne de 3,2 candidats par dossier de cession (1). « Les candidats se projettent dans une filière sécurisée », souligne Loïc Jegouzo. Le prix du lait, régulé par les appellations Comté et Mont d’Or, y est pour beaucoup. L’éleveur et député Éric Liégeon, le remarque aussi dans le département voisin du Doubs porté par ces mêmes appellations : « la situation est atypique par rapport aux statistiques françaises. Pour chaque départ en retraite, il y a entre sept et huit candidats qui se présentent et les enchères montent. Ce qui pose d’autres difficultés liées au coût de reprise important de ces exploitations ».

Dans les quatre départements étudiés par les Safer, les montants totaux des reprises d’exploitations laitières sont unanimement élevés, entre 750 000 € et 850 000 € (2). Face à ces coûts importants, le prix et les volumes contractualisés avec les coopératives sont un élément clé dans la durabilité du projet. « Les Safer doivent se tenir au fait des laiteries. Doit-on persister à maintenir une exploitation laitière là où une laiterie est en train de réduire la voilure », questionne Loïc Jegouzo? L’objectif des Safer est de favoriser la transmission, tout en prenant en compte la pérennité économique de l’exploitation reprise. « C’est un équilibre pas toujours évident à trouver », remarque l’expert.

Dans la Manche, les chiffres sont « proches d’un cédant pour un candidat ». « Le côté sud de la Manche est à la frange d’une zone céréalière », note-t-il. La production laitière attire de moins en moins au profit des grandes cultures, et ce malgré les appellations locales, telles que le beurre et la crème d’Isigny. Ainsi, y compris parmi les départements les plus laitiers de France, « les dynamiques ne sont pas toutes les mêmes », souligne Loïc Jegouzo.

La Mayenne est quant à elle dans une situation intermédiaire avec environ un cédant pour deux candidats.

L’aide par le portage du foncier

Le foncier représente une part non négligeable des coûts de reprise en exploitation laitière. Il représente entre 30 000 € et 80 000 € selon les départements étudiés. Les Safer s’appuient déjà sur plusieurs outils de stockage et de portage qui permettent aux repreneurs de louer les terres les premières années, afin de minimiser les charges durant l’installation.

Dans ce contexte, la Fédération nationale des Safer salue le fonds Elan lancé par la ministre de l’Agriculture lors du Salon de l’Agriculture. Ce fonds va donner une autre dimension au portage, avec une durée de bail prolongée à au moins dix ans, et dont une centaine d’agriculteurs bénéficieront dans les trois prochaines années, toutes productions confondues.

(1) Statistiques de la Safer de 2020 à 2023.
(2) Coût de reprise selon l’expert de la Safer, comprenant les coûts des bâtiments, du cheptel, du matériel, de la maison et du foncier.