Deuxième culture oléagineuse derrière le colza, avec plus de 550 000 hectares, le tournesol voit son développement freiné par son manque de productivité. C’est pourtant « une espèce qui a beaucoup d’atouts dans le contexte actuel de réduction des produits phytos et de diversification des assolements », juge Xavier Pinochet, responsable du département Méthodes et technologies innovantes chez Terres Inovia.

Culture d’arbitrage

Les agriculteurs le considèrent souvent comme une culture d’arbitrage, peu technique. Ils la cantonnent aux parcelles en sols limitants et investissent peu dans cette espèce. Le rendement en parcelle agriculteurs plafonne autour de 23-25 q/ha. « La génétique a permis de gagner 6 q/ha en vint ans, mais nous ne sommes qu’à 60 % du potentiel », estime Pierre Casadebaig, chercheur à l’Inra Occitanie-Toulouse (lire l’encadré). C’est donc, comme pour le colza, toujours un axe fort de sélection, tout comme sa régularité interannuelle. Celle-ci dépend de la capacité des plantes à résister aux maladies mais aussi à la sécheresse. En effet, le tournesol est une culture d’été, avec un cycle assez court, et il est réservé aux terres les moins faciles.

La tolérance au stress hydrique estival est une des priorités des travaux de recherche, notamment dans le cadre du projet Investissements d’avenir « Sunrise », mis en place en 2012 (1). Son objectif : développer des variétés mieux adaptées à des évènements de sécheresse plus fréquents et plus intenses, tout en améliorant la teneur en huile. Cela nécessite de caractériser les ressources génétiques de l’espèce Helianthus annus les mieux adaptées au sec.

Levée rapideface aux oiseaux

Les nouvelles technologies de génomique et de phénotypage sont une aide précieuse. Des puces de génotypage haut débit permettent par exemple de déterminer les variations génétiques de l’ensemble des gènes du tournesol. Par ailleurs, la plate-forme de phénotypage Heliaphen, dédiée au tournesol, a été mise en place sur le site Inra Occitanie-Toulouse. Elle vise à caractériser les réponses des plantes au stress hydrique, de la germination à la maturité (lire l’encadré). Plusieurs gènes impliqués dans la résistance à la sécheresse ont été identifiés. La problématique est d’arriver à combiner cette résistance avec le potentiel de rendement. Ainsi, la solution d’avoir des tournesols avec des petites feuilles très épaisses n’est pas satisfaisante car, en conditions moins limitantes, le rendement sera plus faible.

La capacité des plantes à résister à la sécheresse lors de la germination, ainsi qu’au froid, est aussi étudiée. « La vigueur des plantes lors de l’implantation est une donnée importante en France en raison des dégâts d’oiseaux », indique Thierry André, responsable de la recherche en tournesol chez Soltis (2). Le tournesol doit vite s’implanter, avec des températures et une humidité optimales au semis. « L’enjeu est de sélectionner des variétés capables de germer puis de lever dans des conditions stressantes, et d’être vigoureuses, c’est-à-dire pouvant se développer rapidement lorsque la plante émerge », insiste-t-il.

Les semenciers intègrent d’ores et déjà ces critères dans leur processus de sélection pour créer du matériel génétique performant en termes de germination. Même chose pour la caractérisation des hybrides qui arrivent sur le marché.

Germination en conditions stressantes

Les travaux menés dans le cadre de Sunrise ont montré que la tolérance au stress hydrique des semences de tournesol est liée au métabolisme antioxydant. Les chercheurs ont identifié des marqueurs biochimiques et moléculaires de tolérance au stress lors de la germination (comme l’enzyme catalase dont l’activité est plus importante en conditions sèches), qui seront facilement mesurables par les semenciers et utilisés comme marqueurs de sélection de la qualité physiologique des semences.

Des variétés résistantes au froid au stade jeune peuvent par ailleurs intéresser des producteurs situés plus au nord, où il existe parfois un déficit de cultures dans l’assolement. Il s’agit de tournesols capables de germer à 5 °C au lieu de 8 °C pour d’autres variétés. Mais il faut combiner la résistance au froid, la précocité et la résistance au sclérotinia.

Concernant les maladies, les niveaux de résistance au champ sont plutôt satisfaisants. C’est vrai pour le phomopsis, le sclérotinia du capitule et le mildiou. Pour ce dernier, « même si on maîtrise la sélection de résistances, on ne peut pas se relâcher car le champignon évolue en permanence. C’est donc une course perpétuelle », insiste Sylvain Lascabettes, chef de produits oléagineux chez Syngenta. Plusieurs gènes sont introduits en même temps dans la variété afin qu’elle résiste à toutes les races de mildiou. « Avec cette approche de pyramidage de gènes, si une race mute, elle ne contourne pas tous les gènes », explique Sébastine Chatre, chez RAGT 2n.

Rechercher des résistances durables

Il existe aussi des maladies émergentes comme le verticillium, pour lesquelles on a déjà des variétés avec un bon niveau de tolérance. « Il s’agit d’une réponse génétique complexe avec un ensemble de gènes qui interagissent, détaille Sébastien Chatre, coordinateur R&D oléoprotéagineux chez RAGT 2n. On laisse vivre le parasite mais on le contrôle. C’est plus durable qu’une approche gène/race, comme pour le mildiou, où on le force au final à muter. »

La démarche est la même vis-à-vis de l’orobanche, parasite qui se fixe aux racines du tournesol et dont la présence est avérée en France depuis 2009 dans l’ouest et le sud-ouest. L’Hexagone bénéficie des travaux des sélectionneurs pour le marché de l’Europe de l’Est, où la plante engendre de très gros dégâts. « Il existe déjà des variétés résistantes à certaines races d’orobanche, détaille Xavier Pinochet. Mais elles évoluent et il faut identifier de nouvelles sources quantitatives de résistance, pas spécifiques d’une race ou d’une autre, et les assembler pour éviter tout contournement. » L’enjeu est désormais d’obtenir des variétés qui cumulent des résistances à la fois au mildiou, à l’orobanche et au verticillium.

Quant à la qualité nutritionnelle, l’objectif est d’augmenter le rendement grainier et la teneur en huile pour l’industrie. Une façon pour le tournesol de rester compétitif par rapport aux huiles des autres oléagineux.

Production d’huile énergivore

« Nous avons remis le pied sur l’accélérateur sur la teneur en huile mais sans appuyer à fond », souligne Thierry André. Car la production d’huile est énergivore pour la plante. L’enjeu est désormais de rendre disponible, pour le tournesol oléique, le progrès génétique déjà obtenu pour le tournesol conventionnel linoléique. « Le marché oléique est prioritaire en France », rappelle Camille Henry, responsable de la sélection des oléagineux chez MasSeeds (ex Maïsadour). Mais les variétés oléiques sont actuellement moins performantes du fait d’un retard dans la sélection : il y a donc un saut de progrès génétique attendu sur ce segment.

(1) Ce projet associe 17 partenaires, dont 10 unités de recherche publique, Terres Inovia et 6 entreprises semencières.

(2) Société de recherche spécialisée dans le tournesol, avec comme actionnaire Limagrain et Euralis.