« Choquant, violent, historique… », Jean-Christophe Régnier, président de la commision économique d’Axema, le syndicat des constructeurs et importateurs de machines agricoles, n’a pas de mots assez forts pour décrire l’augmentation des prix des matériels depuis le début de la crise sanitaire.

« Une telle évolution des prix, c’est du jamais vu depuis les années 80, s’inquiète Jean-Christophe Régnier. Ils ont augmenté en moyenne de 5 % en 2021, puis 12 % en 2022. On peut s’attendre à une hausse minimum de 7 % en 2023. Au total, la flambée atteindra 30% d’ici à la fin de cette année ».

Et encore, l’indice Ipampa de l’Insee, qui représente le prix réellement payé par les agriculteurs subit une hausse un peu moins marquée que l’indice du prix à la production, qui est celui du tarif officiel du constructeur. Jean-Christophe Régnier attribue cette différence d’environ 5 points à l’importante valorisation de l’occasion, qui fait diminuer la soulte payée par les agriculteurs lors de l’achat d’un matériel neuf.

Absorber le coût des matières premières

David Targy, responsable du pôle économique d’Axema, pointe la succession des crises avec le Covid en 2020 puis la guerre en Ukraine et la politique Zéro-Covid en Chine, qui ont créé un choc sur le prix des matières premières. « Les prix de l’acier et de l’inox, composants principaux des matériels, ont bondi de façon spectaculaire fin 2021, puis à nouveau en 2022, explique l’économiste. En quelques semaines, le prix de l’acier est passé de 900 €/t à 1800 €/t en Avril 2022. Au cours de la même période, l’inox passait de 2 415 €/t à 3 750 €/t. Les prix sont montés en flèche au moment où la demande pour les matériels agricoles était la plus forte ». Si le prix de l’acier est redescendu depuis, il reste toutefois à un niveau deux fois supérieur à son cours moyen historique et commence à repartir à la hausse. Le prix de l’inox est plus volatile. « Au bond du prix des matières premières, il faut ajouter celui de l’énergie, qui a par exemple été multiplié par 3,5 en Allemagne depuis l’invasion de l’Ukraine », ajoute Jean-Christophe Régnier.

Un marché perturbé

Selon Axema, constructeurs et concessionnaires craignent que les prix franchissent le seuil d’acceptabilité par les agriculteurs. « Ces hausses de tarif choquent tout le monde, même nos équipes commerciales, précise Jean-Christophe Régnier ». Malgré la flambée des prix, la filière machinisme a encore réalisé une année record avec un chiffre d'affaires en hausse de 15% en 2022 par rapport à 2021, qui était déjà une année exceptionnelle. « Mais, tempère David Targy, la grande majorité cette progression est liée à l’augmentation des prix ». L’année 2023 s’annonce encore très favorable mais Axema constate une profonde divergence entre les facturations en très forte hausse (+28 % à fin février) et les prises de commande en chute libre.

« On se demande s’il s’agit d’un trou d’air ou si le marché est en train de se retourner », précise Jean-Christophe Régnier. « En temps normal, c’est le bilan de la récolte qui déclenche les achats de matériels mais depuis la crise du Covid, les agriculteurs achètent dès qu’une hausse substancielle du prix est annoncée. Maintenant que les vagues de hausse de tarif devraient se calmer, il faut voir si on va revenir à un rythme normal dans les investissements ». Rendez-vous après la moisson !