« Mon exploitation a toujours été autonome en fourrages, raconte Bruno Marty, éleveur de bovins à Sainte-Léocadie, dans les Pyrénées-Orientales. Cette année, à cause de la météo, on a récolté 150 bottes au lieu des 800 habituellement. Je risque d’être obligé d’abattre la moitié de mon troupeau, car je ne peux plus nourrir toutes mes vaches. »

Dans le département, le bilan climatique est lourd. Un hiver sec sans chute de neige, pas de pluie au printemps au moment où l’herbe en a le plus besoin, suivi d’un deuxième été de sécheresse. « C’est complètement brûlé, décrit Bruno Marty, en parlant de ses parcelles. La terre ressemble à de la cendre. »

Stocks vidés et prix trop élevés

La trentaine d’éleveurs de la Cerdagne et des plaines se retrouvent à cours de stock tampon de fourrages. Au pied du mur, ils sont dans l’obligation d’acheter du foin dans d’autres régions. Problème : le prix a plus que doublé en un an, passant de 120 euros la tonne livrée à 250 euros.

« Il me manque les trois quarts de ce dont j’ai besoin pour nourrir mon troupeau, soit 200 à 300 tonnes de fourrages, reprend Bruno Marty. Cela me coûterait environ 60 000 euros pour compléter mes stocks. » Faute de moyens financiers, certains éleveurs envisagent le pire : l’abattage d’une partie de leurs cheptels.

« Une réelle prise en charge »

« Il faut que d’ici à la fin de septembre, des mesures soient prises, prévient Bruno Marty. Soit il y a une réelle prise en charge, soit la moitié de mon troupeau s’en va. » Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour les agriculteurs touchés qui attendent beaucoup de la part des assurances et de l’État.

« On demande à l’État de jouer son rôle en mettant la pression sur les assurances car certaines bottent en touche et déclarent l’absence de sécheresse, témoigne Corinne Parrassols, éleveuse dans l’Eyne, secrétaire générale de la FDSEA des Pyrénées-Orientales et membre de la chambre d’agriculture. Nous sommes très inquiets de l’étendue des pertes. »

Un autre tourment s’ajoute à la liste avec la disparition du régime des calamités agricoles dans le cadre de la nouvelle assurance récolte. Le nouveau dispositif d’indemnisation (Fonds de solidarité national (FSN)) fonctionne par prise de photos satellitaire et se déclenche dès 50 % de pertes en grandes cultures ou 30 % de pertes en arboriculture et sur prairies.

« Cette année, on a encore 45 % couverts par le FSN dans le cas où on n’est pas assuré, mais dans les prochaines années, ce taux devrait diminuer, déplore-t-elle. Ils nous ont incités à prendre des assurances qui ne fonctionnent pas dans un cas comme le nôtre. C’est une aberration. »

Un euro contre un euro

La Région Occitanie devait mettre un million d’euros sur la table pour la sécheresse. La moitié a été mise de côté pour l’abreuvement et l’aménagement de points d’eau pour les estives. Seulement, rien n’avance. « Si l’État ne met pas un euro en contrepartie, la Région refuse de mettre un euro aussi », explique Bruno Marty.

Pour les 500 000 euros restants, rien n’est encore décidé concernant leur utilisation. La Région votera officiellement le dispositif d’aide d’ici à octobre. « Pour nous, c’est beaucoup trop tard », tranche Corinne Parrassols.

Les éleveurs des Pyrénées-Orientales réclament aussi « deux années blanches » pour les aides de la Pac. Autrement dit, ils souhaitent pouvoir déclarer le même effectif de bovins malgré la décapitalisation mise en œuvre.

L’eau au centre des inquiétudes

Pour Corinne Parrassols, abattre une partie de son cheptel n’est pas la solution. « En plus de l’adaptation au changement climatique, dans la limite de ce qui est possible de faire à notre échelle, il faudrait créer plusieurs petites retenues d’eau sur l’ensemble du territoire et améliorer l’arrosage. »

En Cerdagne, une partie des rivières se déversent en Espagne. Des accords nationaux, datant du traité des Pyrénées, régulent les quantités d’eau prélevées de part et d’autre de la frontière. « Quand on voit les quantités d’eau prises par les Espagnols alors que nous faisons face à des restrictions d’eau très strictes, c’est compliqué », assure Corinne Parrasols.

« Traditionnellement chez nous, l’irrigation se fait par système gravitaire à l’aide des cours d’eau qui s’écoulent dans les parcelles, décrit Bruno Marty. Le territoire n’est pas adapté à d’autres dispositifs ou de longues périodes de sécheresse. On fait tout pour ne pas perdre notre activité. On vit sur le seul salaire de ma femme depuis quelque temps pour économiser et mon frère, lui aussi exploitant agricole, a dû prendre un mi-temps pour nourrir sa famille. »