« Nous avons arrêté la fabrication du salers depuis le 26 juillet dernier, faute d’herbe au pâturage pour nos 110 montbéliardes sélectionnées (1), expliquent David et Marie-Laure Besseyre, en Gaec bientôt avec leurs fils sur 115 ha à Apchon, dans le Cantal. Nous nourrissons le troupeau avec une ration mélangée d’hiver et nous transformons notre lait en AOP cantal fermier. Cet été très chaud et très sec a eu raison de nos prairies de montagne. Il nous rappelle l’été 2022 durant lequel la production de salers avait été stoppée pour toute la zone AOP. »

À ce jour, 31 des 72 producteurs d’AOP salers ont dû se retrancher sur la fabrication de cantal fermier. Outre la nécessité de puiser dans leurs stocks fourragers de l’an passé, voire de cette année, les pertes économiques découlent aussi d’une différence de valorisation du fromage de 2,50 à 3 €/kg. « À raison de trois pièces de 44 kg par jour durant plusieurs mois, la note est salée », poursuit David Besseyre, qui produit 23 t de salers et 15 t de cantal en année normale.

Réviser le cahier des charges

Pour Laurent Lours, producteur et président du Cif (2), « tous les producteurs espèrent qu’il pleuve et qu’une repousse de l’herbe autorise une reprise de la fabrication entre le 15 septembre et le 15 novembre. À plus long terme, une réflexion est engagée sur une évolution du cahier des charges face à un changement climatique qui s’affirme. »

« Soucieuse de la qualité du produit et du respect des règles de sa fabrication, la filière cherche une adaptation du cahier des charges afin de sauver cette AOP d’excellence, souligne Julien Maurs, directeur du Cif. Nous souhaitons renforcer nos points forts que sont la gerle en bois et le pâturage. Une commission d’enquête de l’Inao (3) est venue en octobre dernier. Nous étudions la possibilité d’autoriser 50 % d’herbe au lieu de 75 % durant un mois d’été avec la distribution de 500 kg de foin. Notre réflexion porte aussi sur l’obligation éventuelle d’un minimum de 60 ares de pâture par vache laitière dans un rayon de 1 km autour du point de traite. » 1 050 t de salers AOP ont été fabriquées en 2024 par 76 producteurs, inquiets mais passionnés par ce fleuron du plateau de fromages auvergnats.

(1) Moyenne du contrôle laitier : 8 000 kg à 33,7 TP et 37,9 TB. (2) Comité interprofessionnel des fromages AOP cantal et salers. (3) Institut national de l’origine et de la qualité.