Le phénomène du rougissement existe-t-il chez les poules ? Afin d’explorer de nouveaux outils pour évaluer le bien-être des volailles, des chercheurs de l’Inrae se sont intéressés à la poule domestique (1), pour déterminer l’existence de ce phénomène chez cette espèce.
Lors de différentes expérimentations, assimilées à des situations positives ou négatives pour les poules, le taux de rouge au niveau de leurs zones de peau faciales a été mesuré.
« Résultat, les poules expriment bien un rougissement, qui varie en fonction de leur état émotionnel », annonce l’équipe de chercheurs, ouvrant ainsi la voie à un nouvel indicateur de bien-être animal. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue Applied Animal Behaviour Science le 21 avril 2024.
Des poules écarlates lors d’expériences négatives
Les poules rougissent « face à de la nourriture appétente, comme les vers de farine », détaille les chercheurs. Elles « deviennent écarlates sur toute la face lorsqu’elles vivent une expérience négative comme la capture », soit une situation liée à la peur. À l’inverse, au repos, leur peau « apparaît beaucoup plus claire ».
Durant trois semaines, six poules ont été observées et filmées régulièrement dans trois types de situations définies comme : situation positive de forte excitation, situation négative de forte excitation, et situation positive de faible excitation.
Le taux de rouge a ensuite été mesuré à partir d’images extraites des vidéos, sur des zones faciales spécifiques : la crête, les joues, les lobes de l’oreille et la caroncule (2).
Ainsi, les observations ont révélé que les poules présentaient « le degré le plus élevé de rougeur dans les situations négatives de forte excitation, une rougeur élevée dans les situations positives de forte excitation, et la plus faible dans les situations positives de faible excitation ».

La rougeur comme indicateur de perception
Pour approfondir l’expérience, les chercheurs se sont intéressés au rougissement des poules lors d’interactions avec des humains. Ils ont habitué un premier groupe de 13 poules à la présence d’un expérimentateur durant cinq semaines. À l’inverse, un deuxième groupe de 13 poules n’a pas été habitué à la présence humaine.
Les individus des deux groupes ont ensuite été étudiés lors d’un test de réactivité à la présence humaine. « Les poules habituées à l’expérimentateur ont montré moins de rougeur que les poules non habituées lorsqu’elles étaient testées seules avec un humain, traduisant un état plus calme en sa présence », a conclu l’équipe de l’Inrae.
Pour les chercheurs, les résultats obtenus suggèrent que « les variations de la rougeur faciale pourraient servir d’indicateur de la façon dont les animaux perçoivent des stimuli spécifiques dans leur environnement ».
Vers un nouveau moyen d’évaluer le bien-être animal
Alors que les scientifiques constatent justement un manque de marqueurs non invasif pour évaluer le bien-être chez les espèces aviaires, l’intensité de la rougeur pourrait ainsi constituer un nouvel outil.
« Comprendre comment les animaux expriment leurs états affectifs est une étape fondamentale vers la compréhension de leur sensibilité. Cette compréhension, à son tour, a des implications significatives pour faire progresser la science du bien-être animal », précise l’étude publiée.
De nouvelles perspectives s’ouvrent pour l’équipe de chercheurs, qui aimerait par ailleurs « comprendre la fonction de ces signaux de rougissement au sein même de l’espèce, notamment lors des interactions sociales de dominance et de subordination ».
(1) La race Sussex, prisée pour la ponte, a été choisie pour les expérimentations de cette étude.
(2) La caroncule est une excroissance charnue chez les oiseaux, située près du bec.