Lancée au Sénat en février 2023 à l’initiative du groupe socialiste écologiste et républicain (SER), la mission d’information sur la gestion de l’eau a pris fin. Ses conclusions et les cinquante-trois propositions qui en découlent ont été présentées à la presse le 12 juillet 2023 par le président de la mission d’information, Rémy Pointereau (LR, sénateur du Cher) et le rapporteur Hervé Gillé (SER, sénateur de la Gironde). Elles visent « à renforcer la capacité de notre modèle de gestion de l’eau à répondre aux défis hydriques, à anticiper avec les acteurs de terrain les bouleversements induits par le changement climatique et à réguler les conflits d’usage. »
« Sortir de l’impasse » avec les retenues à usage agricole
« Je me réjouis que le projet de rapport de notre mission rejette l’idée d’une condamnation de principe des réserves de substitution, a introduit Rémy Pointereau. Elles sont décriées alors qu’elles permettent de réduire les pompages estivaux et de soulager les nappes. » Pour Hervé Gillé, c’est davantage à la question du modèle économique de ces réserves qu’il faut répondre. « Certaines sont parfois à la limite de la rentabilité », a-t-il fait remarquer.
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La mission d’information écarte par ailleurs l’idée d’un moratoire, comme demandé par les opposants aux « bassines ». Celui-ci ne serait en réalité « qu’une interdiction générale déguisée », estime-t-elle, soulignant l’importance d’une concertation locale accompagnée par les pouvoirs publics. Six propositions relatives à ce sujet brûlant sont émises pour « sortir de l’impasse » :
- Garantir des procédures claires s’inscrivant dans des délais raisonnables d’autorisation et de déclaration des ouvrages de retenue, la mission ayant constaté dans ses travaux « des délais de jugements finaux peu compatibles avec la sécurisation des porteurs de projet » ;
- Fonder les autorisations non seulement sur des données rétrospectives mais aussi sur des projections hydro-climatiques et renforcer la connaissance des effets des retenues, notamment en matière d’évaporation ;
- Conditionner les retenues à des contrats d’engagements réciproques, portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété et mettre en place un suivi fin du fonctionnement des retenues et de leurs effets une fois bâties ;
- Privilégier un portage public des projets de retenues, par des collectivités ou des syndicats mixtes et dans une optique de multi-usages (soutien d’étiage, approvisionnement en eau potable, irrigation agricole, loisirs) ;
- Généraliser la gestion collective des autorisations de prélèvement d’eau agricole à travers des organismes uniques de gestion collective devant veiller à une distribution équitable des droits d’eau aux exploitations du territoire ;
- Permettre l’installation de micro-retenues de sécurisation dans les exploitations agricoles destinées à une irrigation de résilience, selon des modalités définies par chaque comité de bassin.
L’une des propositions concerne également le photovoltaïque, pour promouvoir la pose de panneaux sur les plans d’eau existants et en limiter l’évaporation. Trois propositions sont destinées au développement de la réutilisation des eaux usées traitées.
Améliorer les connaissances et les moyens
Hervé Gillé a également souligné l’importance de consolider les connaissances techniques de certains sujets. Le fonctionnement des nappes et leur singularité en font partie, et se voient attribuer l’une des propositions, avec une priorisation pour la vingtaine de nappes exploitées dans des secteurs sous tension. « On est face à des sujets complexes qui nécessitent des arguments scientifiques pour répondre aux controverses », a illustré le sénateur. Et de citer l’exemple de la différence entre les niveaux d’évaporation des réserves avancés : « Certains parlent de 40%, d’autres de 2 à 3%, quand les éléments scientifiques qui nous remontent sont plutôt entre 5 et 8 %. Il faut pouvoir l’objectiver. »
Plus globalement, le rapporteur a relevé le besoin d’impliquer l’ensemble des usagers de l’eau et de donner de réels moyens financiers à une politique de gestion de l’eau. « On voit que le plan eau [annoncé à la fin de mars par Emmanuel Macron] est insuffisant sur le plan financier », a-t-il jugé.
Enfin, Hervé Gillé l’a assuré, ces propositions vivront « à tous les niveaux ». Au travers des ministères concernés, des orientations du plan eau et de la planification écologique du gouvernement, ou encore au travers de différentes propositions de loi déposées par les sénateurs.