Leur rassemblement et les manifestations annoncées avaient été interdits par les préfectures de la Vienne, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Les opposants aux réserves d’irrigation, réunis du mercredi 17 au dimanche 21 juillet 2024 à Melle dans un « Village de l’eau », sont passés outre. Ils ont joué au chat et à la souris vendredi et samedi avec les forces de l’ordre.

Vendredi, le rendez-vous était donné à proximité de la réserve de Saint-Sauvant, dans la Vienne, où les attendaient de pied ferme gendarmes et policiers. Au dernier moment, les manifestants ont changé leur fusil d’épaule pour se donner rendez-vous à Migné-Auxances, au nord de Poitiers. De là, la marche s’est dirigée vers deux sites proches, une unité de méthanisation et un site de conditionnement de semences appartenant à Terrena. Les forces de l’ordre, en lançant des grenades lacrymogènes pour freiner le cortège, ont provoqué un incendie dans la paille d’une parcelle tout juste moissonnée. Les opposants aux « mégabassines » ont fait demi-tour.

Samedi, leur mobilisation a pris pour cible le port de commerce de La Rochelle. Dès l’aube, certains manifestants ont tenté de pénétrer dans la zone portuaire, protégée et interdite d’accès ce samedi comme tout autre jour. L’un d’eux a été arrêté et placé en garde à vue, les 200 autres personnes qui l’accompagnaient se sont repliées sur des silos de Soufflet, en bordure de l’enceinte portuaire infranchissable.

Les silos, « symbole de la domination »

C’est là que Julien Le Guet, porte-parole des collectifs d’opposants, a expliqué le rôle symbolique du port par son « passé négrier » et ses « silos géants » qui rappellent le « rapport de domination pour l’ensemble des agriculteurs de notre territoire ». Le « terminal agro-industriel » est « le dernier maillon de la chaîne du système bassines » par où transitent céréales à l’exportation, aliments pour animaux et engrais à l’importation.

Les 5 000 à 6 000 manifestants s’étaient, durant la matinée, rassemblés dans le centre-ville de La Rochelle. Ils se sont mis en marche pour rejoindre le port de commerce en deux groupes distincts. L’un, bon enfant, en a profité pour se baigner alors qu’il longeait la mer. Quelques matelas pneumatiques ont été mis à l’eau dans une tentative illusoire d’approcher le port par la mer.

Dans le même temps, l’autre cortège, accompagné de quelques centaines de black-blocs, démolissait sur son passage abribus, signalétique routière, vitrines de banques et de petits commerces. Au beau milieu de zones résidentielles habituellement très calmes, les affrontements avec les forces de l’ordre ont été violents.

Sans incidence sur le port

Ces deux jours de mobilisation ont attiré des dizaines de journalistes, pour la plus grande satisfaction des collectifs d’opposants. « En ce sens, nous avons réussi », s’est réjoui Julien Le Guet. La journée rochelaise se solde pourtant par quatre blessés parmi les forces de l’ordre et cinq chez les manifestants, sept personnes en garde à vue. La population locale a été bien secouée et elle risque peu d’aller rejoindre le mouvement d’opposition aux réserves.

Tout au long de ces journées, les agriculteurs sont restés vigilants aux abords des réserves déjà construites dans la région, craignant qu’elles ne soient vandalisées par les manifestants. Quant au port de commerce, il a poursuivi son activité sans grand changement, chargeant des pieux d’éoliennes géantes destinés au champ offshore de l’île d’Yeu-Noirmoutier.