L’histoire
Vincent qui avait décidé d’entreprendre la construction d’un mas sur un vaste terrain lui appartenant avait entreposé au fond de ce terrain des vieux matériaux laissés par le propriétaire précédent. Le maire de la commune, soucieux de la protection des paysages et de l’environnement, avait mis Vincent en demeure d’éliminer ces matériaux considérés comme des déchets, au sens de l’article L. 541-1 du code de l’environnement. Par un arrêté du 6 décembre 2017, il avait mis à la charge de Vincent une astreinte de 50 euros par jour jusqu’à ce qu’il eût satisfait à la mise en demeure.
Le contentieux
Vincent avait saisi le tribunal administratif en annulation de l’arrêté. Sa requête était fondée sur deux principes. D’une part, les matériaux en litige, visés par la mise en demeure, n’étaient pas des déchets. D’autre part, ils se trouvaient sur un terrain privé et ne constituaient aucune gêne.
La question posée aux juges était bien celle de la qualification des matériaux visés par la mise en demeure. L’article L. 541-1-1 du code de l’environnement définit comme déchet « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ». Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de l’article précité, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Le code de l’environnement précise encore que tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion. Enfin, l’article L. 541-3 du même code confère des pouvoirs de police spéciale aux autorités administratives compétentes à l’encontre d’un producteur ou d’un détenteur de déchets.
Vincent avait soutenu, avec vigueur, que ces dispositions ne lui étaient pas applicables. Les matériaux considérés par le maire comme des déchets étaient réutilisables et n’étaient pas abandonnés mais seulement entreposés pour permettre la construction du mas. En outre, ces matériaux étaient déposés sur un terrain privé inaccessible au maire sans une autorisation du juge.
Mais ni les premiers juges ni la cour administrative d’appel n’avaient été convaincus. Le terrain était recouvert de très nombreux objets hétéroclites et usagés et il n’était pas établi qu’ils pourraient faire l’objet, sans transformation préalable d’une utilisation ultérieure. En les laissant entreposés sur un terrain lui appartenant, Vincent pouvait être regardé comme s’en étant effectivement défait, en leur donnant, ainsi, le caractère de déchets. L’annulation de l’arrêté du 6 décembre 2017, portant astreinte devait être écartée. Saisi par Vincent, le Conseil d’État n’a pu que confirmer cette solution.
L’épilogue
Vincent devra au plus vite éliminer les matériaux abandonnés sur son terrain s’il veut éviter de payer une trop lourde somme au titre de l’astreinte.