L’organisme en charge d’évaluer les politiques en faveur du climat, le Haut-Conseil pour le climat (HCC) a publié, ce 25 janvier 2024, son rapport sur l’empreinte carbone alimentaire française, de la production à la consommation.
L’agriculture est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre (GES) avec 18 % des émissions nationales, soit 77 MtéqCO2. L’élevage est responsable de 60 % de ces émissions, notamment par les émissions de méthane entérique. Le HCC note une réduction de 13 % des GES du secteur agricole entre 1990 et 2021 liée à la réduction des cheptels bovins provoquée par le contexte socio-économique de la filière. Les sols agricoles émettent, quant à eux, davantage de GES qu’ils n’en stockent. Ce déstockage provient des terres cultivées et de la diminution des prairies.
Pour respecter les objectifs de la stratégie nationale bas carbone 2 (SNBC 2), c’est-à-dire réduire ses émissions de 18 % en 2030 par rapport à 2015, la trajectoire de réduction du secteur agricole va devoir s’accélérer comme pour tous les autres secteurs d’activité.
Lever les freins
« Accélérer la réduction des émissions de l’agriculture nécessite d’intervenir plus largement au niveau de l’ensemble du système alimentaire », écrivent les rapporteurs du HCC. Toutefois, des freins existent à l’adoption de pratiques dites “bas carbone” : le coût de leur mise en place, la forte spécialisation des bassins de production, le risque de perte de rendements, ou encore le besoin de compétences.
« L’agroécologie et certaines technologies ont un fort potentiel, note Corinne Le Quéré, climatologue et présidente du HCC. Des pratiques climato-intelligentes permettent une adaptation incrémentale sans changer les systèmes de production. » Le HCC pointe notamment la sélection de variétés et d’espèces tolérantes à la sécheresse, la diversification des cultures, une meilleure gestion de l’eau, ou encore l’agroforesterie.
Soutien politique
Au-delà du changement de pratiques, la transformation du système alimentaire français doit passer par des politiques agricoles structurantes.
Le HCC voit au sein du pacte et de la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) une opportunité d’apporter une vision claire quant à l’agriculture bas carbone et à lever certains verrous. L’instance préconise notamment de reconcevoir les outils assurantiels agricoles pour inciter l’adoption de pratiques bas carbone et limiter les risques de maladaptation, de mettre en place des plans de transition agroécologique et climatique, ou d’autoriser le stockage de l’eau seulement pour les projets économes en eau.
La déclinaison française de la Pac, le plan stratégique national (PSN), n’est actuellement pas dimensionnée pour permettre aux agriculteurs de réduire leurs émissions de GES, souligne le HCC. « Il contribue plutôt au statu quo », juge Corinne Le Quéré. Par exemple, aucune mesure ne cible les leviers utiles à la réduction des émissions dues à la fermentation entérique des ruminants. Le HCC recommande de réorienter les financements vers les mesures favorables au climat (MAEC, investissements non-productifs, formation), vers les aides couplées pour les légumineuses, fruits et légumes, ou encore de réorienter les aides bovines vers les exploitations d’élevage bas carbone plus vulnérables.
Les secteurs de l’alimentation et de la restauration doivent eux aussi prendre part à la réduction de la consommation de produits d’origine animale. Un effort nécessaire pour éviter les importations.