De la Corne de l'Afrique aux Pyrénées-Orientales en France, la sécheresse et les vagues de chaleur font souffrir hommes, bêtes et plantes. Le bouleversement du climat accentue les menaces sur les rendements agricoles mondiaux, jusque dans les zones tempérées autrefois épargnées.
Des sécheresses plus longues et plus nombreuses
Le réchauffement climatique multiplie les sécheresses et leur durée. Au total, plus de trois milliards de personnes vivent déjà dans un environnement « très vulnérable » au changement climatique.
Il multiplie également les événements de précipitations extrêmes, aux conséquences dévastatrices : destruction des cultures, impossibilité des semis ou des récoltes, aggravation de l’érosion des sols dont les couches fertiles supérieures sont emportées par les flots.
Autre effet du changement climatique : les phénomènes océaniques récurrents mais irréguliers. C’est le cas de El Niño et de La Niña qui accentuent la sécheresse, affectent la mousson et favorisent l’activité cyclonique.
Les conséquences d’un manque d’eau
« Si l’eau vient à manquer au moment de la germination (ou croissance des plantes), ou juste avant la floraison, cela aura un impact majeur sur la production de céréales », souligne Thierry Caquet, directeur scientifique de l'environnement de l’Inrae, qui travaille sur l’adaptation au changement climatique de l’agriculture.
« Une température élevée, avec ou sans eau, va favoriser un phénomène d’échaudage, c’est-à-dire un arrêt du remplissage du grain, ajoute-t-il. Schématiquement, l’eau aura un impact sur la quantité des épis et donc du volume de la récolte, et la température sur sa qualité, le taux de remplissage du grain. »
Les ruminants, dont l'intérieur de la panse chauffe pendant la fermentation, sont particulièrement sensibles aux fortes chaleurs.
Le manque d’eau entraîne aussi un déficit du fourrage, des pâturages de montagne aux champs de luzerne. Par exemple, l’assèchement combiné au manque d’herbe décime régulièrement les troupeaux des éleveurs au Sahel ou dans la Corne de l'Afrique. Même dans les zones tempérées, le rendement des races laitières diminue par forte chaleur.
« Les ruminants, dont l’intérieur de la panse chauffe pendant la fermentation, y sont particulièrement sensibles. Un pic de chaleur à 40°C peut tuer une vache », explique Thierry Caquet.
Ce que prévoit le Giec
Dans le monde, 60 % de l’alimentation mondiale est fournie par l’agriculture pluviale (non irriguée), le reste venant de l’agriculture irriguée. Avec le réchauffement climatique, la demande d’irrigation augmente : les cultures ont besoin de plus d’eau car elles en perdent davantage par évapotranspiration.
La perte de rendement agricole due à la sécheresse est estimée à 25 % entre 1961 et 2006, selon les données du Giec (1) en février 2022. D’ici à 2071-2100, si la planète se réchauffe de 1,5 à 2°C, cette perte liée à la sécheresse augmentera de 9 à 12 % pour le blé, et de plus de 18 % pour le riz, par rapport à la période de 1961 à 2016.
La perte de rendement du blé due à la sécheresse augmentera de 9 à 12 %.
Les solutions : fin de l’artificialisation des terres, gestion améliorée et durable des forêts, préservation des écosystèmes à forte capacité de stockage de carbone comme les tourbières, développement de l’agroécologie.
Mais le Giec met aussi en garde contre la « maladaption », soulignant par exemple que la « surextraction » de l’eau, que l’on cherche à stocker pour irriguer des zones arides, peut « entraîner l’épuisement des eaux souterraines », ce qui aura des effets délétères à moyen terme.
(1) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.