À l’occasion du 77e congrès de la FNSEA, cinq experts ont abordé les problématiques auxquels se confronte l’agriculture et qui seront déterminantes pour l’avenir du métier d’agriculteur.
1. Défi climatique
« Pour le secteur agricole, l’action et les engagements actuels sont insuffisants pour limiter les risques du changement climatique », analyse Valérie Masson Delmotte, climatologue et membre du Giec.
Même si des efforts ont été faits, la chercheuse estime qu’avec les politiques actuelles, le réchauffement climatique devrait se poursuivre (+2°C en France d’ici à 2050). Seule la diminution drastique des émissions des gaz à effet de serre (GES) pourrait stabiliser le réchauffement planétaire. Or un tiers des émissions de GES liées à l’activité humaine a pour origine l’activité agricole.
Dans leur rapport, les membres du Giec ont catégorisé un certain nombre de pratiques d’adaptation et d’atténuation, favorables à la réduction des émissions. Par exemple, le stockage du carbone dans les sols, l’agroforesterie, la réduction du gaspillage alimentaire, une alimentation plus saine et durable. Des pratiques qui demandent à être généralisées et mises en œuvre à grande échelle, selon l’experte.
« Avec 10 à 11 milliards d’habitants d’ici à 2050, l’agriculture doit avoir la capacité de se transformer sur le sujet du climat, mais aussi d’entretenir le combat sécuritaire, poursuit Sébastien Abis, directeur général du Club Demeter. Les agriculteurs seront les protagonistes de la sécurité alimentaire et du développement climatique. »
2. Défi environnemental
« 61 % des sols européens sont dégradés, constate Bastien Sachet, PDG de Earthworm Foundation, qui appuie les entreprises dans leur politique de durabilité. Or le sol est la clé de voûte de nos systèmes de production. »
« Les certifications et labels n’ont pas changé la situation, constate-t-il. Il faut revenir aux principes fondamentaux de l’agronomie : les cycles du carbone, de l’eau, de l’azote. »
Bastien Sachet préconise que les agriculteurs soient acteurs de la transition, qu’ils s’adressent directement aux entreprises privées ayant des objectifs environnementaux, y compris en dehors de l’alimentaire. Une solution, selon lui, pour gagner en autonomie et résilience. « Si nous attendons la prochaine réglementation [environnementale], nous serons déçus car celle-ci ne sera pas faite par des gens du terrain. […] Les agriculteurs doivent en être les chefs d’orchestre. »
3. Défi économique
Jean-Philippe André, président de l’Ania le répète, « il faut créer de la richesse » et « continuer à produire ». Selon lui, pour atteindre ses objectifs de décarbonation à l’horizon de 2040, l’industrie agroalimentaire devra investir près de 20 % en plus : « Cela doit être pris en charge par notre capacité à produire. »
En 20 ans, la capacité exportatrice de la France s’est érodée, passant de la deuxième place à la cinquième. « Il faut qu’un jour, l’exportation devienne une priorité, estime le président de l’Ania. Aujourd’hui, seulement 20 % de nos entreprises agroalimentaires sont tournées vers l’exportation, contre 80 % des entreprises allemandes. »
Face au dénigrement d’une certaine partie de la société, Jean-Philippe André prône le retour de « la notion de plaisir » liée à l’alimentation.
4. Défi démographique
La future génération, née après 1995, dite « génération Z », devra s’emparer de ces sujets. « Il s’agit d’une génération en proie à l’éco-anxiété, qui a du mal à se projeter, explique Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project, qui réalise notamment des études et prospectives sur l’entreprise de demain. Mais 70 % d’entre eux ont confiance en eux pour transformer l’essai et ont confiance dans le monde économique pour changer le monde. »
D’après une enquête citée par Emmanuelle Duez, le métier d’agriculteur serait le premier à être évoqué par les jeunes lorsqu’ils sont interrogés sur les métiers les plus importants.
Alors que près de la moitié des exploitants agricoles seront en âge de prendre leur retraite dans les dix années à venir, l’enjeu de la transmission est essentiel. « Il va falloir créer au sein du secteur agricole, les conditions pour transmettre ce modèle et faire émerger de nouveaux modèles », souligne l’experte.