Au sein de la génération des 12-25 ans, l’expression du désir de changer d’identité de genre est devenue beaucoup plus fréquente qu’autrefois. Cette demande est une des formes contemporaines que peut prendre la crise d’adolescence. À chaque époque, apparaissent de nouveaux symptômes utilisés pour témoigner d’un malaise existentiel, d’une crise identitaire ou juste d’un questionnement. Lors de la transformation du corps à la puberté, les adolescents sont obligés d’assumer une identification sexualisée. Il faut trouver son personnage pour se présenter aux autres. Cette revendication nouvelle, je la mets notamment en relation avec l’exposition très jeune à la pornographie qui véhicule des stéréotypes de genres très marqués et une représentation violente de la sexualité.

Aujourd’hui, il y a une prévalence de l’image sur tous les autres sens. À travers les écrans, les jeunes entretiennent un autre rapport à l’imaginaire, par exemple en créant leurs avatars dans les jeux vidéo. La prolifération des identités de genres fait que certains se disent fluides, non binaires ou trans. C’est une manière de défaire les stéréotypes. Les préjugés laisseraient croire qu’ils sont homosexuels. En réalité, l’identité de genre et le choix de la personne sur qui on porte son désir ne sont pas nécessairement corrélés. Ces jeunes ne demandent pas tous d’avoir recours aux hormones ou à la chirurgie. La transformation par les opérations commence d’ailleurs à être discutée. En Angleterre, une jeune femme qui regrette sa transition en homme a fait un procès à l’hôpital où elle avait reçu un traitement hormonal alors qu’elle était mineure.

Vis-à-vis des parents, questionner les identités de genres c’est aussi pour l'ado se détacher du modèle de la génération précédente : le mariage, la vie de couple, le divorce… La crise de la conjugalité ne donne pas très envie. Le désir de se réinventer est le propre de l’adolescence et c’est quelque chose de positif. Mais comment le faire et à quel prix ? Que les parents entendent ce sentiment d’impasse dont témoigne la volonté de changer de prénom et d’identité, au-delà même de la question du genre, permet d’ouvrir le dialogue avec l’enfant. Ils peuvent lui proposer un lieu d’interrogation et d’expression de ce malaise auprès d’un psychanalyste ou d’un psychologue ni militant ni fermé à ces interrogations contemporaines.

© Vincent Levy - Sarah Stern est psychiatre psychanalyste à Paris.