Les inondations survenues en France entre la fin de 2023 et le premier semestre de 2024 avec le quatrième printemps le plus pluvieux depuis 1959 resteront un épisode inédit par l’ampleur des crues et sa durée. Plus d’un département sur deux a connu des inondations entre les mois de novembre et de juin, selon un rapport de la mission de contrôle du Sénat sur ces évènements publié le 25 septembre 2024.

En France, plus de 18,5 millions de personnes, soit un quart de la population, sont exposés au risque d’inondation, le principal risque naturel du pays. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes. Sur l’ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l’horizon de 2050 en raison du changement climatique, selon le rapport des sénateurs Jean-François Rapin (Pas-de-Calais) et Jean-Yves Roux (Alpes-de-Haute-Provence).

Opérations de sensibilisation

Région qui a été la plus fortement touchée avec notamment 12,7 millions d’euros de pertes pour les agriculteurs selon la DGPE du ministère de l’Agriculture, l’entretien des cours d’eau et fossés a été rapidement pointé du doigt dans les Hauts-de-France. « Curer pour ne plus revivre ça » était affiché sur les tracteurs lors d’une manifestation organisée le 8 janvier 2024 dans le Pas-de-Calais par des syndicats agricoles.

Plus récemment, le réseau de la FNSEA et JA s’est mobilisé entre le 16 et le 29 septembre 2024 pour mener plusieurs opérations de sensibilisation et de dialogue avec les services de l’État, des élus et l’Office français de la biodiversité (OFB) sur la question de l’entretien des fossés. Une simplification de la règlementation est réclamée pour faciliter les travaux des cours d’eau, fossés, et canaux.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que le ministère de l’Agriculture et le ministère de la Transition écologique avaient commandé le 1er février 2024 à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) ainsi qu’au Conseil général de l’alimentation de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) la mission de proposer des solutions pour simplifier le régime juridique d’entretien des cours d’eau.

Cinq mois après, le 19 juillet 2024, les deux organismes publiaient leurs propositions de simplification de la règlementation et d’amélioration de la capacité d’action des préfets tout en relativisant la responsabilité d’un mauvais entretien des cours d’eau dans les inondations qui ont touché les Hauts-de-France. « Le manque d’entretien des réseaux hydrauliques permettant l’évacuation des eaux vers la mer n’a pas été la cause des inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais », ont-ils écrit.

Le facteur déclenchant est « l’ampleur des précipitations, avec des cumuls atteignant près de 800 mm sur les deux derniers mois de l’année 2023 ». Des cumuls qui ont « très largement excédé les capacités des ouvrages de protection contre les crues, même quand ils sont parfaitement entretenus ».

Simplifier la règlementation pour mieux entretenir

Ce « rapport de l’inspection dit que l’État a fait son travail dans sa compétence mais dans les situations d’urgence, il y avait des choses qui n’ont pas été faites. L’entretien des cours d’eau est une nécessité », a insisté le sénateur des Républicains Jean-François Rapin lors d’une conférence de presse le 25 septembre 2024.

Le curage n’est d’ailleurs pas la solution à tout soulignent les sénateurs. « En curant, vous augmentez le volume capacitaire du fleuve et vous augmentez forcément les volumes d’eau. En période de crue, cela peut être dévastateur », a estimé Jean-François Rapin.

Agriculteurs et élus locaux se heurtent à un véritable « maquis réglementaire » et craignent de commettre des infractions liées à la police de l’eau. « Aujourd’hui pour enlever un embâcle dans un cours d’eau, un élu ne sait pas s’il peut le faire de peur d’être verbalisé ou d’être rattrapé par la patrouille », a illustré Jean-François Rapin. Il a rappelé avec son collègue du groupe « Rassemblement démocratique et social européen » Jean-Yves Roux « le besoin de clarification ».

Un travail de pédagogie est demandé de la part de l’État auprès des élus mais aussi du secteur agricole sur les différents régimes juridiques applicables. Dans leur première recommandation, les sénateurs demandent également l’instauration d’une procédure accélérée des demandes d’intervention. « Si on y arrive, on évitera beaucoup d’inondations », assure Jean-Yves Roux.

Une solidarité de l'amont et l'aval

Le financement de la prévention des inondations est un autre sujet abordé dans le rapport sénatorial. La taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) facultative et plafonnée à 40 euros par habitant, destinée à financer ces actions, ne suffit pas toujours à couvrir les besoins des collectivités les plus exposées au risque d’inondation.

Le coût des travaux, notamment pour la réparation des digues, est souvent trop élevé pour les petites communautés locales, qui manquent de ressources fiscales. Le rapport propose la création d’un fonds de péréquation pour assurer une véritable solidarité entre les territoires en amont et en aval, garantissant un partage équitable des financements.

« Il faudra discuter avec les agriculteurs »

Dans les causes des inondations, le rapport cite naturellement les conditions météorologiques ainsi que l’artificialisation, la destruction d’espaces naturels, la mauvaise gestion des cours d’eau et certaines pratiques agricoles comme la destruction de haies ou le tassement des sols. Interrogé en conférence de presse sur ce dernier point, Jean-François Rapin s’est contenté d’affirmer que « probablement, il faudra des discussions avec les agriculteurs ».

Il a ensuite cité « l’exigence d’utiliser des méthodes douces et plus naturelles » en évoquant les zones d’expansion de crue. « Il faudra en discuter pas seulement avec les agriculteurs mais aussi avec les propriétaires fonciers proches de rivières qui n’utilisent plus leurs terres ». Un dialogue matérialisé par des « conventions avec les intercommunalités et des indemnités d’expropriation », a ajouté le sénateur.

Concernant les suites législatives des recommandations formulées dans ce rapport, une proposition de loi sera proposée. Certaines d’entre elles sont de nature réglementaire. « Une analyse juridique est en cours pour voir comment on peut avancer », a indiqué Jean-Yves Roux.