« Les augmentations de prix, qui existent depuis plusieurs mois, vont perdurer sur les produits laitiers, estime Benoît Rouyer, directeur économique du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). Mauvaise nouvelle pour le consommateur, on ne voit pas l’inflation baisser sur les produits laitiers dans les semaines à venir. »
> À lire aussi : Le niveau record du prix du lait ne soulage pas les éleveurs (04/08/2022)
En un an, une succession de chocs a nourri l’inflation sur les produits alimentaires, entre la rapide reprise post-Covid et la guerre en Ukraine. Pour les produits laitiers, le prix des yaourts a augmenté de 4,5 % entre juin 2021 et juin 2022, le lait demi-écrémé en brique ou en bouteille de 4,5 %, le beurre de 9,8 % et le fromage de 5,2 %.
La sécheresse s’en mêle
Le réchauffement climatique a lui aussi eu un impact très concret. Il y a d’abord eu un mois de mai anormalement chaud et sec, puis trois épisodes de canicule en juin, en juillet et au début d’août. La sécheresse est « la plus marquée des 70 dernières années », relève Christian Huyghe, directeur scientifique de l’agriculture de l’Inrae.
Résultat, la production d’herbe accuse une baisse de 21 % au 20 juillet par rapport à la normale, à une période où les vaches laitières se nourrissent en grande partie au pâturage, selon les données d’Agreste, le service de la statistique du ministère de l’Agriculture.
Lorsque dans les prairies, l’herbe n’est plus verte, trois options se présentent aux éleveurs : puiser dans leurs stocks de fourrage prévus pour l’hiver, acheter de l’alimentation animale, ou vendre une partie du cheptel pour réduire leurs charges.
> À lire aussi : Face à la sécheresse, « il faut sauver le soldat élevage ! » (08/08/2022)
Les charges flambent
Les prix des aliments pour les vaches laitières ayant augmenté de 25,9 % en mai par rapport à mai 2021, selon Agreste, de nombreux éleveurs s’accordent à dire que le plus rentable reste de se séparer d’une partie de ses animaux. Il y aura encore du lait dans les rayons, mais un « manque de lait » pourra se faire sentir, estime Benoît Rouyer.
« Globalement, un manque de lait va induire une diminution des possibilités de produire du beurre, de la crème, des briques de lait, des fromages… Et quand vous avez un manque de produit, qu’importe la filière, il y a un impact sur le prix », explique-t-il.
Avec une subtilité : dans le système agroalimentaire actuel, des négociations commerciales sur les prix alimentaires ont lieu une fois par an et les prix auxquels les distributeurs (hyper- et supermarchés…) achètent le lait aux producteurs ne montent pas automatiquement au rythme des hausses des coûts de production subies par les éleveurs.
Les éleveurs attendent une revalorisation du prix du lait
Les négociations ont été rouvertes au printemps, et la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) demande que le litre de lait vendu dans les rayons de supermarchés approche l’euro d’ici à la rentrée « contre 78 centimes en hard-discount », selon les observations que leur réseau a menées cet été.
> À lire aussi : Le prix du lait français « n’est pas dans la dynamique européenne » (22/07/2022)
En 2021, les prix du lait de vache payés aux producteurs s’élevaient à environ 390 euros les 1 000 litres en moyenne, en hausse de 4,3 % par rapport à 2020. Si le prix est monté à 419 euros en mai 2022, les syndicats clament que ce nouveau prix ne couvre toujours par leurs coûts de production et demandent de nouvelles hausses.
En comparaison, « en Allemagne, la tonne de lait coûte 480 euros, en Belgique c’est environ 500 euros et aux Pays-Bas on monte à 540 euros les mille litres », explique Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Si la France n’atteint pas les niveaux de ses voisins européens sur le prix du lait, la fédération menace de passer à « un syndicalisme de destruction » à la rentrée.