Ces deux-là se sont découverts au travers d’une caméra. Clara et Michel Beaudoux sont les protagonistes du film « Beau comme un tracteur », réalisé par Clara Beaudoux et diffusé sur Arte. Ils sont de la même famille, oncle et nièce, et pourtant, ils vivent dans deux mondes différents. Citadine invétérée de 40 ans, journaliste, documentariste, Clara aime l’art et les musées. Michel, agriculteur retraité de 78 ans, sillonne la campagne beauceronne autour de son village de Moisy, avec son fameux C15.

En 2019, la réalisatrice propose à Michel de le filmer. « Au départ, il ne voyait pas l’intérêt et était taiseux, se souvient Clara. Au fil du tournage, il a été de plus en plus à l’aise. Je l’ai découvert joyeux et hyperactif. Il a fallu trouver des subterfuges, avec une table et son journal, pour qu’il puisse rester devant la caméra ! »

« C’est vrai qu’au début, je ne me voyais pas en star de cinéma ! », lance Michel de sa voix légèrement aiguë, en évaluant tout le chemin parcouru. Au fil des saisons, ils sont partis à la quête du beau, ensemble. Avec douceur, ils cherchent : où est le beau ? Tournesol, pied d’éolienne, coucher de soleil, mais aussi charrues rouillées, carte postale ou assiette-horloge répondent aux œuvres d’art traditionnelles.

« Ne pas montrer une campagne caricaturale »

Au travers de ce questionnement philosophique, l’ancienne journaliste de Radio France dresse un portrait juste et sensible de la ruralité d’aujourd’hui. Michel, élu municipal depuis 35 ans, qui remplace le prêtre lors des cérémonies d’obsèques, tend le micro à ses voisins. Une scène décalée, au milieu du dépôt de pain, entre une bouteille de M. Propre et une carte postale en noir et blanc.

Clara découvre le rôle central de son oncle dans la vie du village de 340 habitants. « Sans nier le malaise agricole, je voulais faire quelque chose de joyeux, ne pas montrer une campagne caricaturale, ni triste, ni bucolique. » Son seul regret : ne pas avoir montré davantage le travail agricole.

Au fil du documentaire, la complicité s’installe entre l’oncle et sa nièce. Michel se lâche et crée même « la symphonie du hangar » en tapant sur ses tracteurs. Un moment magique. « On ne se croit pas capable de faire un film et finalement, on y arrive. Ça change de l’image d’agriculteur-pollueur ! », nous confie, toujours en souriant, celui que l’on surnomme dorénavant le « Bourvil de Moisy »