Si l’on veut croiser Émilie Gusse, on a plus de chance de la rencontrer dans une étable que dans sa clinique vétérinaire de Saint-Girons (Ariège). Laissant volontiers les chiens et chats à ses associés, c’est bottes aux pieds et blouse sur le dos qu’elle arpente sans relâche les routes sinueuses du piémont pyrénéen. « J’aime être dehors, en pleine nature, s’enthousiasme cette sportive, fan de trail. Ce qui me plaît aussi, c’est la relation avec les éleveurs. »

Soignante, elle endosse également le rôle de conseillère, souvent même d’amie et de confidente. « Je me sens comme une partenaire des agriculteurs, confesse-t-elle. Certains vivent parfois des moments difficiles, il y en a que j’aide pour la paperasse quand je les sens dépassés… Avec notre métier, on entre dans l’intimité des bêtes, mais aussi des gens. »

Garder le sourire, pour soutenir les éleveurs

Sa vocation, cette native de la Région parisienne l’a trouvée dès l’âge de 3 ans, au contact des bovins qu’elle côtoyait lors des week-ends et des vacances dans la Meuse, dans la famille de ses grands-parents. « Petite, je voulais être docteur pour les vaches. C’était mon milieu, là où je me sentais bien. » Plus tard, ses études achevées, la voilà qui tombe sous le charme du Sud-Ouest, et qui candidate à un poste de vétérinaire à Saint-Girons. « Je devais rester 8 mois, mais j’ai rencontré mon mari Jérôme… et je ne suis jamais repartie ! »

Quand cette mère de deux enfants n’accompagne pas les éleveurs du territoire, c’est chez elle, près du village de Massat, qu’elle exerce son art, au service de l’élevage bovin et ovin familial. « Vivre avec un agriculteur m’apporte beaucoup dans mon métier : cela m’aide à proposer à mes clients des solutions pragmatiques, qui tiennent compte de leurs contraintes. »

Très investie dans la défense de sa profession, Émilie se désole de voir ses confrères déserter le milieu agricole. En près de 20 ans, elle a vu le maillage vétérinaire local se disloquer peu à peu… au point d’être aujourd’hui la dernière, à des dizaines de kilomètres à la ronde, à assurer le suivi de reproduction et d’élevage des troupeaux de vaches, brebis, chèvres et chevaux. Une passion qui frise désormais le sacerdoce, tant les journées sont longues.

Le mois dernier, elle s’est fracturé le pouce, mais a continué à travailler. « On ne peut pas s’arrêter. Il faut tenir, pour les éleveurs. Garder le sourire, parce qu’eux ne l’ont pas toujours. Ils ont besoin de notre soutien. » Son espoir : que les pouvoirs publics entendent le cri d’alarme des vétérinaires de campagne, et prennent des mesures pour inciter les jeunes diplômés à venir en milieu rural. « À nous, ensuite, de leur transmettre le flambeau et de leur montrer toutes les magnifiques facettes de notre métier. »