Vingt neuf jours d’hôpital, dont vingt en réanimation et neuf sous coma artificiel. C’est ce qu’a vécu Marc Buon, exploitant en polyculture-élevage à Loucelles, dans le Calvados, entre son arrivée le 30 mars par une porte dérobée des urgences de l’hôpital de Bayeux et sa sortie le 27 avril. Pendant ce séjour, les médecins l’ont vu « partir » à deux reprises. Pourtant, notre agriculteur, qui a depuis soufflé ses cinquante-six bougies, a tenu bon et il reprend aujourd’hui une vie presque normale.

Dire aux siens qu’on les aime

On lui avait donné six mois pour s’en remettre. Mais c’était sans compter sur des années à jouer au rugby, pendant lesquelles il a appris à connaître les limites de son corps. Trois mois après sa sortie d’hôpital, Marc pouvait déjà participer aux moissons. Début septembre, il a engrangé les féveroles qu’il avait semées début mars tout fiévreux au volant de son tracteur. Faucher après avoir soi-même failli l’être… La rééducation est une série de petites victoires au quotidien : la revanche de la vie sur la mort.

« On a prié pour moi jusqu’en Iran ! »

Malgré quelques séquelles qui le ralentissent encore, l’éleveur se félicite d’être debout. Il exprime beaucoup de reconnaissance et le sentiment d’avoir eu une chance incroyable. Celle d’avoir été soigné par des hommes et des femmes extraordinaires, avec du matériel de pointe. Et surtout la chance de s’être senti aimé au-delà de ce qu’il pouvait imaginer. « Mon meilleur ami est iranien et je sais qu’on a prié et même sacrifié des moutons pour moi jusqu’en Iran ! Des amis ou de la famille qui avaient des cancers ou la sclérose en plaque se sont inquiétés de mon état presque tous les jours. Aujourd’hui, j’ai une pensée pour toutes ces personnes dont le combat contre la maladie se trouve injustement éclipsé du fait du Covid. Finalement, c’est pour mes proches que cela a été le plus dur. Les médecins avaient commencé à préparer ma femme et ma fille à mon départ. On m’avait même déjà donné pour mort. Si je n’avais pas été associé à mon frère, je suis certain que des personnes se seraient déjà présentées pour racheter la ferme », lâche-t-il dans un sourire qui dissimule un vrai pincement au cœur.

L’ancien responsable syndical et élu de la Safer qu’il était confesse être déçu de constater que la profession s’est affaiblie et qu’elle peine à renouer avec les valeurs de solidarité et d’intérêt commun.

« Ce que j’ai traversé est pour moi une belle leçon. Je me dis que j’ai eu raison de vivre ma vie à fond, avec passion. J’ai eu de la chance de faire de très belles rencontres. Je peux parfois avoir des remords, mais je n’ai pas de regret. J’ai toujours fait ce qui me tenait à cœur. De cet épisode, je ressors avec la conviction renforcée qu’il faut continuer de vivre et d’agir. Ne jamais négliger le contact humain. Dire les choses quand elles doivent l’être ; dire aux siens qu’on les aime. Ne pas perdre trop de temps à se plaindre. Garder sa force pour se battre. Ne pas se laisser submerger par la peur. Accepter que la mort fait partie de la vie. »

Alexis Dufumier