Après sa troisième série d’échantillonnage, l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) a donné ses premières estimations de production. « La récolte sera catastrophique », prévient Geoffroy d’Evry, président de l’UNPT.

Sec et chaud : phénomènes combinés

« La sécheresse et les longues vagues de fortes chaleurs à répétition, même la nuit, ont bloqué le développement des tubercules. C’est une situation combinée que nous n’avions jamais connue. Les rendements ne seront pas seulement mauvais, ils constitueront un triste record de mémoire de patatiers. » Même si l’accès à l’eau, qui concerne environ 30 % de la production de pommes de terre, a limité le stress hydrique, le stress thermique a tout de même fait des dégâts.

 

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L’UNPT juge ainsi que la récolte française sera inférieure de 20 % au minimum par rapport à la moyenne des vingt dernières années. La récolte française, habituellement de 8 millions de tonnes, serait amputée de 1,5 million de tonnes. Cela ferait de 2022 la pire récolte de pommes de terre depuis 2000.

Jusqu’à -50 % de rendement

Le syndicat souligne une grande hétérogénéité en fonction des territoires et des variétés, avec une tendance globale à la baisse. Les pertes de rendements peuvent aller jusqu’à 50 %, comme sur l’exploitation de Geoffroy d’Evry, installé à Nampcel dans l’Oise.

 

Le développement des tubercules ayant été stoppé par la sécheresse combinée à de fortes chaleurs, les pommes de terre présentent de petits calibres. © Geoffroy d’Evry, UNPT
Le développement des tubercules ayant été stoppé par la sécheresse combinée à de fortes chaleurs, les pommes de terre présentent de petits calibres. © Geoffroy d’Evry, UNPT

« Les pommes de terre ne sont jamais montées dans les calibres », complète Geoffroy d’Evry. Les calibres devraient se situer dans la fourchette basse des cahiers des charges, 35 mm contre 80-85 mm d’habitude. « Mais des volumes vont manquer, sur tous les segments de marché. » Ce qui devrait provoquer de fortes tensions, d’autant que des conditions similaires semblent être observées chez les principaux autres pays producteurs.

 

Le syndicat souligne que les conditions sèches d’arrachage peuvent également impacter la qualité, en abîmant les tubercules.

Demande de mobilisation de la filière

La première estimation de pertes financières pour les producteurs français de pommes de terre se chiffre à 200 millions d’euros. « Les producteurs ne doivent pas être les seuls à assumer les conséquences de cet épisode climatique inédit », appuie Geoffroy d’Evry, qui rappelle par ailleurs que les coûts de production ont nettement augmenté sur cette campagne. Le syndicat appelle « à la mobilisation générale de tous les acteurs économiques de la filière » (industrie, négociants, distribution).

 

Pour le secteur du frais par exemple, Geoffroy d’Evry estime que « aucun volume ne doit être écarté pour des défauts de forme ou de présentation ». Il serait également « inconcevable de voir des pommes de terre en promotion dans les rayons », complète le président de l’UNPT. Il appelle aussi à une meilleure redistribution de la valeur entre les différents acteurs économiques, ce qui permettrait de limiter la hausse du prix des pommes de terre en rayon dans la grande distribution.

Des aides spécifiques à la trésorerie sollicitées

En complément des mesures annoncées le 22 août 2022 par Marc Fesneau, Geoffroy d’Evry juge important de mettre en place un dispositif d’aide particulier pour les producteurs de pommes de terre. L’objectif est de leur permettre de passer cette année et de pouvoir réinvestir pour l’année prochaine. L’UNPT demande ainsi à l’État la mise en place d’aides relatives à la trésorerie des exploitations, « soit un soutien direct, soit des mesures d’accès aux crédits », note-t-il.

Contrats avec les industriels étrangers

La loi française prévoit l’intégration dans les contrats entre producteurs et industriels de la mention de cas de force majeure incluant les aléas climatiques. Mais cette loi étant française, « les acheteurs belges ou hollandais ne sont pas tenus de le respecter », a souligné la Coordination rurale (CR) dans un communiqué paru le 26 août 2022.

 

Le syndicat « demande à l’interprofession de bien vouloir peser de tout son poids » pour que l’article de loi en question soit pris en compte dans les contrats passé avec des acheteurs étrangers, « dès la saison prochaine ».

S’adapter au changement climatique

À plus long terme, le président de l’UNPT affirme nécessaire de mettre l’accent sur le financement de la recherche, afin de trouver des variétés plus adaptées à la fois à la chaleur et à la sécheresse. « Les agriculteurs ont toujours su s’adapter, nous allons continuer à travailler pour répondre au changement climatique. Il est important que l’accès à l’eau soit fléché sur les cultures vivrières », estime-t-il également.