La solution de repli ne s’est pas fait attendre. Seulement deux jours après l’adoption de la loi Duplomb à l’Assemblée nationale, le ministère de l’Agriculture a utilisé la voie réglementaire pour faire passer les changements qu’il souhaitait opérer sur l’Anses (1). Un décret a ainsi été rédigé en ce sens et publié au Journal officiel le 10 juillet 2025.

Pour rappel, le texte initial de la loi Duplomb prévoyait, dans son article 2, une réforme de l’autorité sanitaire. La proposition avait été finalement évacuée par la Commission mixte paritaire, face aux protestations d’élus, d’associations et de scientifiques, dénonçant une atteinte à l’indépendance de l’Anses. Le directeur général de l’Anses, Benoit Vallet, avait quant à lui prévenu que toute mesure tentant de « contraindre les décisions » de l’agence entraînerait sa démission.

Une liste d’usages

Ce décret indique que le directeur général de l’Anses devra tenir compte, « dans le calendrier d’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques » d’un arrêté de la ministre de l’Agriculture établissant « la liste des usages » de ces produits.

Le texte précise que les « organismes nuisibles ou végétaux indésirables » ciblés sont ceux « affectant de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire, et contre lesquels les moyens de lutte sont inexistants, insuffisants ou susceptibles de disparaître à brève échéance ». Cette priorisation sera limitée à 15 % des usages répertoriés dans le catalogue national des usages phytopharmaceutiques. L’Inrae (2) sera consulté en amont de la publication de l’arrêté, peut-on lire par ailleurs.

Retard et flou total

« Concrètement, le directeur général de l’Anses devra tenir compte d’un calendrier d’examen des demandes d’AMM des produits phytopharmaceutiques établi par le ministère de l’Agriculture et donc retarder le retrait de produits dont les dangers pour la santé humaine et environnementale sont avérés, a réagi le groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une mise sous tutelle de l’Anses après plusieurs mois de tentatives de déstabilisation », accuse-t-il.

Générations Futures dénonce elle aussi ce risque de retard et estime par ailleurs que le « caractère prioritaire » des usages « repose sur un flou total ». L’association s’insurge contre ce « passage en force inacceptable » et étudiera « toutes les voies de recours pour faire abroger ce décret et annuler son contenu ».

Examen nécessaire

Sollicité par l’AFP, le ministère de l’Agriculture a déclaré que « jusqu’à présent, l’Anses traitait les demandes d’AMM par ordre d’arrivée et que l’établissement d’une liste d’usages prioritaires visait, sans porter préjudice aux enjeux sanitaires ou environnementaux, à proposer un calendrier de traitement des dossiers en tenant compte de la saisonnalité des menaces pesant sur les cultures. L’Anses est complètement indépendante dans ses évaluations et dans son calendrier », s’est-il défendu.

L’Anses, principale intéressée, n’a pour le moment pas réagi. « Les dispositions prévues dans le décret nécessitent un examen attentif afin d’envisager les conséquences éventuelles qu’elles pourraient avoir pour l’Anses ou les autres acteurs concernés », a-t-elle précisé.

(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation. (2) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.