L’arrêté du ministre de l’Agriculture autorisant l’emploi des enrobages de néonicotinoïdes sur les betteraves sucrières a été publié au matin du samedi 6 février 2021 par le Journal officiel. La veille, le ministre de l’AgricultureJulien Denormandie avait rencontré les représentants de la filière sucrière pour dresser un bilan d’étape du plan d’action que le ministre avait annoncé le 6 août 2020.

 

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Cet arrêté rend applicable la loi promulguée le 14 décembre 2020 qui autorise à titre dérogatoire l’application de néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves sucrières uniquement pour 2021 et pour une durée de 120 jours à partir du 7 février 2021 (Gaucho 600 FS et Cruiser SB). Entre-temps, sa rédaction est passée dans les mains du conseil de surveillance présidé par le député Grégory Besson-Moreau. Réuni le 22 janvier 2021, ce conseil avait rendu un avis favorable sur le texte.

Quelles cultures implanter les années suivantes ?

L’arrêté du 6 février 2021 liste aussi les cultures (y compris les cultures intermédiaires) qui peuvent être implantées derrière une betterave traitée avec un néonicotinoïde autorisé. Cet inventaire reprend les recommandations de l’Anses du 23 décembre 2020 :

  • À partir de la campagne de 2022 : avoine, blé, choux, cultures fourragères non attractives, cultures légumières non attractives, endive, fétuque (semences), moha, oignon, orge, ray-grass, seigle ;
  • À partir de la campagne de 2023 : chanvre, maïs, pavot/œillette, pomme de terre ;
  • À partir de la campagne de 2024 : colza, cultures fourragères mellifères, cultures légumières mellifères, féverole, lin fibre, luzerne, moutarde tardive, phacélie, pois, radis, tournesol, trèfle, vesce.

 

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Que faire du maïs et du colza qui suit ?

Le conseil de surveillance avait aussi demandé de mieux définir les mesures d’atténuation liées aux cultures suivantes, en particulier le maïs et le colza. Les pistes sont déjà évoquées dans l’arrêté publié le 6 février 2021. Leur validation scientifique est encore suspendue à un avis de l’Anses, dont la date de publication n’est pas encore connue.

 

Sur ce point, l’arrêté indique donc les mesures d’atténuation et de compensation :

  • Pour les cultures de maïs : utilisation, sur une largeur d’au moins dix-huit rangs de betteraves qui ne peut être inférieure à huit mètres, de semences de betteraves non traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam (1) sur le pourtour des parcelles traitées avec ces produits ; implantation en 2021 et 2022 sur l’exploitation concernée, à une distance adaptée, de surfaces mellifères à raison de 2 % des surfaces implantées de semences de betteraves traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam ;
  • Pour les cultures de colza : implantation d’un mélange composé d’au moins 50 % d’une variété précoce à floraison de type Es Alicia ou d’une variété équivalente, sur une surface représentant au moins 10 % de la sole de colza de l’exploitation concernée et sur laquelle n’ont pas été cultivées des betteraves traitées avec de l’imidaclopride ou du thiamethoxam au cours des trois années précédentes.

Comment être indemnisé des pertes ?

La réunion du ministre avec la filière sucrière a dégagé les principes d’une mécanique de l’indemnisation plutôt qu’un budget. L’engagement final des dépenses dépendra du nombre de demandes mais l’entourage du ministre estime ce budget de l’ordre de 80 à 85 millions d’euros.

 

Cette somme est inférieure aux cent millions d’euros envisagés dans une première estimation au début de janvier. Les agriculteurs qui sont déjà indemnisés par leur assurance récolte ne profiteront pas d’une double indemnisation avec celle de l’État. En revanche, le ministère assure que les indemnisations seront versées aux agriculteurs à partir de mars 2021.

 

Le ministère avait aussi prévu dans son plan d’action un soutien à la recherche. Présents à cette réunion, l’Inrae, l’Institut technique de la betterave et le délégué interministériel au sucre ont arrêté leur choix sur 21 projets de recherche en en laissant un autre encore au stade de l’instruction. Le ministère a confirmé un engagement de sept millions d’euros pour ce plan de recherche.

 

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Les surfaces se sont-elles effondrées ?

De leur côté, les acteurs économiques de la filière du sucre s’étaient engagés en août à diminuer la quantité de matière active en enrobage. D’après les commandes, ils atteindraient une réduction de 25 %, selon des fuites à l’issue de cette réunion. Par ailleurs, cette réunion a tiré un bilan des surfaces engagées.

 

Après la mauvaise campagne de 2020, les prévisions faisaient craindre une perte de l’ordre de 20 % des surfaces, rendant périlleux l’exploitation de certaines sucreries. Par des mécanismes d’incitation au semis, il semble que les opérateurs ont limité la perte aux alentours de 5 % en moyenne nationale.

 

Rappelons que, par ailleurs, certaines associations de protection de l’environnement avaient estimé que cette réhomologation temporaire est illégale.

 

(1) également orthographié thiaméthoxame.