Le mouvement des dernières semaines s’est encore renforcé : le blé français a perdu presque 3 €/t de nouveau, à 162,5 €/t rendu Rouen ou 188 $/t Fob Rouen (–1 $/t). La baisse a été similaire à La Pallice (–2,5 €/t, à 161,5 €/t) et sur Euronext (–3 €/t, à 168 €/t pour l’échéance de septembre). L’ensemble des origines mondiales se sont orientées en légère baisse cette semaine : –2 $/t pour les blés russes à 12,5 % de protéines, à 193 $/t, –5 $/t pour les blés américains HRW, blé de qualité meunière supérieure, à 195 $/t.

 

Le blé américain de qualité moyenne SRW est sorti du lot en abandonnant 11 $/t. C’est la catégorie la plus impactée par le décrochage des prix des maïs américains. Ces derniers chutent nettement à la suite de la publication du rapport mensuel de l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture, lundi dernier. Ils ont poussé tout le complexe blé vers le bas, mais les blés SRW un peu plus que les autres en raison de la compétition qui peut s’effectuer entre ces deux cultures sur le marché fourrager.

Des stocks importants en fin de campagne

Le bilan mondial du maïs va garder des stocks importants en fin de campagne, même si la production américaine n’était pas aussi haute que le niveau retenu par l’USDA lundi dernier. Ce niveau a suscité des surprises, et, s’il se vérifiait, il viendrait renforcer la pression baissière que le maïs doit de toute façon exercer sur le blé afin de tenter de regagner de la demande dans le secteur animal. Cette compétition entre les deux cultures sera à suivre de près. En Asie par exemple, où les fabricants passent facilement d’une céréale à l’autre ou en Europe où le blé a, jusqu’à maintenant, regagné beaucoup de place en alimentation animale par rapport à l’an dernier.

 

Cette situation de forte demande animale en blé, couplée à un regain des exportations de blé que la France et l’Union européenne ont à portée de main cette année, est venue en quelques semaines transformer le bilan français d’une situation lourde vers une situation tout juste équilibrée. Dans ce panorama, le maïs apparaît vraiment comme la variable qui pourrait modifier le plus la situation : si son prix baissait encore beaucoup sur le marché mondial, il pourrait rentrer en concurrence avec des blés européens, au Benelux par exemple.

Politique à suivre en Argentine

La situation politique en Argentine est un autre élément à suivre de près. Après les scrutins récents, il apparaît très possible maintenant que le gouvernement change en octobre et cela suscite des interrogations quant à la politique de taxe et d’exportations de céréales, de blé notamment. Le gouvernement Macri avait réduit les taxes et supprimé les limites à l’exportation. Tout retour en arrière serait de nature haussière pour le marché mondial qui compte cette année sur de gros volumes argentins.

 

L’Égypte, cette semaine, est revenu aux achats pour 295 000 t en provenance de l’Ukraine et de la Russie. L’offre française, qui était pourtant la seconde offre la moins chère en prix Fob (départ ports), est restée sur le carreau à cause d’un frêt un tout petit plus cher que celui de la mer Noire. Il s’en faut de peu pour que les blés français « calculent » en Égypte et cela vient conforter une remontée de la prévision des exportations de la France vers cette destination.

Orientation baissière pour l’orge

Comme en blé, les orges fourragères ont abandonné environ 3 €/t cette semaine à 150 €/t rendu Rouen. Elles ont chuté sous la pression du maïs mais aussi pour maintenir leur compétitivité par rapport à celles de la mer Noire dans un contexte mondial où les conditions climatiques se sont améliorées au Canada et en Australie. En Argentine aussi, tout se passe bien pour les orges, même si des précipitations seraient les bienvenues. Nous estimons la production d’orge française à 13,2 millions de tonnes (Mt), un niveau supérieur au record de 2015. La France doit donc exporter beaucoup pour équilibrer son bilan et cela comprime les prix.

 

Sur le créneau brassicole se confirment de bons rendements en orge de printemps et d’hiver mais une qualité marquée par la faiblesse des taux de protéine. Ces problèmes qualitatifs risquent de venir réduire les perspectives d’exportation, vers la Chine notamment. Les prix perdent 3 €/t également (à 168 €/t en orge de printemps et 160 €/t en orge d’hiver) comme en orge fourragère.

Une production américaine de maïs supérieure aux attentes

C’est la dégringolade cette semaine sur le marché mondial du maïs : les principales origines (Ukraine et Amérique du Sud) perdent 13 $/t poussées vers le bas par la marchandise américaine qui abandonne 18 $/t. Cette situation se reporte sur les prix français (–3,5 €/t Fob Bordeaux à 168,75 €/t) malgré la perspective d’une récolte française amputée par la sécheresse et les fortes températures du mois passé.

 

Aux États-Unis, c’est le chiffre de l’USDA, publié lundi dernier, qui a donné le ton : surface et production américaine, dans ce rapport, sont nettement supérieures à ce que le marché attendait. Il reste encore une très grande incertitude sur cette production : même si les surfaces plantées sont aussi élevées que l’enquête USDA l’affiche, le taux d’abandon des surfaces et des transferts vers l’ensilage peuvent encore très largement varier comme les rendements. Nous retenons, de notre côté, une estimation plus modérée de 330 Mt.

Le soja chute à la suite du maïs

Alors que le rapport de l’USDA affichait une forte révision en baisse des surfaces de soja semées et récoltées pour la moisson de 2019, réduisant la production prévue sur la campagne à 100 Mt seulement (contre 124 Mt en 2018-2019), les cours du soja n’ont pas réagi à la hausse. En effet, le contexte mondial reste extrêmement lourd, avec des stocks américains qui diminueraient mais resteraient à un niveau très élevé, conduisant à un lourd excédent à la fin de la campagne de 2019-2020.

 

Par ailleurs, l’effondrement des cours du maïs sur Chicago a déteint sur les prix du soja, mais aussi du tourteau de soja, l’un de ses principaux concurrents dans les aliments du bétail. Ainsi, le prix du soja a perdu 3 $/t sur la semaine pour les prix ancienne récolte, et presque 5 $/t pour la nouvelle récolte (échéance de novembre). Les cours du tourteau de soja ont, quant à eux, perdu 3 $/t sur la semaine (cotation rapprochée). Les prix étaient toutefois remontés momentanément le 13 août, à la suite de l’annonce du président Trump du report de la mise en place de taxes additionnelles à l’importation sur de nombreux produits chinois. L’optimisme a toutefois été de courte durée, et les prix sont très rapidement retombés. Des annulations de chargements prévus vers la Chine et le retour des pluies sur une large zone du nord-ouest des États-Unis ont notamment contribué à ce recul. En France toutefois, le prix du tourteau de soja rebondit de 3 €/t sur la semaine, grâce au soutien de la parité euro/dollar.

 

Le cours du pois recule, quant à lui, de 4 €/t, à 186 €/t départ Marne, en raison d’un manque d’attractivité dans les rations, lié à la chute du prix du blé fourrager. Son niveau de prix reste toutefois toujours un peu trop élevé pour être attractif dans les optimisations de rations.

 

Le colza rebondit avec les taxes sur le biodiesel indonésien

Alors que les cours mondiaux sont en recul, les canolas canadiens perdant 1 à 2 $/t sur la semaine à la suite des sojas américains, les cours du colza se maintiennent dans l’Union européenne. Les prix en France affichent même un petit rebond de 2 €/t sur le marché physique, à 371 €/t rendu Rouen et 377 €/t Fob Moselle. Cela s’explique par la mise en place de droits compensateurs provisoires sur les importations de biodiesel indonésien, via un règlement directement applicable, publié le 13 août.

 

Cela fait suite à une plainte de l’EBB (European Biodiesel Board) déposée en octobre 2018. Ces droits devraient devenir permanents une fois la procédure achevée. Ils s’élèvent de 8 à 18 % du prix délivré dans l’Union européenne selon les opérateurs. Cela devrait soutenir la production européenne de biodiesel immédiatement, et donc la demande en huile de colza (ainsi qu’en huile de soja et huile de palme). Les prix français du colza ont par ailleurs aussi été soutenus par la parité euro/dollar et par une légère remontée du prix du pétrole sur la semaine (+4 % à 54,5 $/baril à New York).

Le prix du tournesol reste stable

Les conditions climatiques ont été très sèches cette semaine en Ukraine, en Russie et en Bulgarie, alors que l’Europe centrale et la France ont bénéficié de précipitations significatives. Les prix du tournesol sont reconduits cette semaine, que ce soit en France (330 €/t à Saint-Nazaire) ou dans la zone de la mer Noire (370 $/t Fob).

 

De fortes chaleurs sont prévues durant les prochains jours en Russie et Ukraine : cela pourrait avoir un impact négatif sur les rendements. Au contraire, un temps plutôt frais est attendu en France. Les conditions météorologiques restent à suivre de près, les plantes étant dans une période clef de l’élaboration du rendement. Il est à noter que la récolte de tournesol vient de démarrer en Bulgarie.

À suivre : impact du regain de compétitivité des blés français, avancée et qualité des récoltes dans la zone de la mer Noire et dans l’Union européenne, production de maïs aux États-Unis, récoltes de colza dans le nord de l’Union européenne, conditions météorologiques en mer Noire (tournesol, maïs), aux États-Unis (soja), au Canada et en Australie (canola)