Les prix des céréales ont encore chuté au début de la semaine avec la progression des moissons et la chute des taxes à l’exportation en Russie. Changement de direction toutefois sur les marchés à terme de Chicago et d’Euronext à la fin de la semaine après une grosse vague d’achats de blé sur le marché mondial et des prises de bénéfices de la part d’investisseurs après la forte chute des prix. Impact baissier du pétrole et des huiles végétales sur le prix des graines oléagineuses.

Le prix du blé en baisse à Rouen mais en hausse sur le Matif

Deux temps différents sont à distinguer cette semaine en ce qui concerne l’évolution des prix du blé : ceux-ci ont continué à chuter jusqu’au milieu de la semaine (ils ont perdu 18 €/t entre la clôture du vendredi 1er juillet et celle du mercredi 6 sur Euronext), avant de reprendre 36 €/t entre mercredi soir et le milieu de l’après-midi du vendredi 8.

 

Sur Euronext, les prix de l’échéance sur septembre ont progressé de 20 €/t entre le vendredi 1er juillet 2022 (à 355,5 €/t) et le vendredi 8 juillet 2021. Sur la même période, ils ont progressé de 16 €/t pour l’échéance de décembre (à 343,75 €/t).

 

La progression nette d’une semaine à l’autre ne se reflète pas encore sur le marché physique où les prix avaient beaucoup moins chuté que sur le Matif (les primes entre les prix physiques et ceux du marché à terme ayant grandi). Ainsi, hier soir, le blé rendu Rouen valait tout de même encore 18 €/t de moins que la semaine dernière, à 343,25 €/t (base juillet). Il restait influencé par l’arrivée des récoltes qui vont bon train avec 15 % de la moisson du blé déjà effectuée au début de la semaine, un record de précocité.

 

En plus des craintes de récession, le prix du blé, en France et partout dans le monde, a été très affecté par la décision du gouvernement russe de baisser ses taxes à l’exportation. Les très fortes taxes pratiquées au cours de la campagne de 2021-2022 avaient contribué à la hausse des prix dès la première moitié de la campagne. Maintenant, c’est l’inverse qui se produit, le gouvernement russe ayant ajusté sa formule de calcul qui utilise désormais une référence en rouble. Les prix russes du blé ont perdu 30 $/t cette semaine, ce qui, conjugué au niveau très élevé de la récolte de blé russe cette année, pèse sur les prix.

 

L’ensemble des valeurs mondiales ont lâché du lest (–30 $/t pour les blés US HRW Fob Gulf, –25 $/t pour les blés ukrainiens qui ne peuvent guère s’exporter, –40 $/t pour les blés argentins).

Les achats se poursuivent sur le marché mondial

En Argentine, pourtant, on note quelques signaux d’inquiétude : la Bourse de Buenos Aires a de nouveau revu à la baisse sa prévision de la surface semée à cause du temps sec qui a prévalu jusqu’à maintenant pour les semis.

 

Par ailleurs, on constate que la forte baisse des prix des semaines passées a induit une grosse vague d’achats sur le marché mondial du blé. Après les gros achats des semaines passées, l’Égypte est de nouveau « revenue » sur le marché cette semaine et a acheté du blé français (170 000 tonnes), russe (214 000 tonnes), roumain (60 000 tonnes) et allemand (63 000 tonnes) dont une partie en dehors de tout appel d’offres. Ce pays est en effet en train d’expérimenter de nouveaux modes d’achat : achats directs à des opérateurs privés sans passer par des appels d’offres, achat également dans le cadre d’accords gouvernementaux (comme avec l’Inde).

 

La Jordanie, la Corée, le Japon ont également acheté et le Pakistan vient de relancer un appel pour 300 000 tonnes de blé après avoir refusé les offres qui lui ont été faites un peu plus tôt dans la semaine.

 

Cette vague d’achats « physiques » accompagnée de corrections des fonds sur les marchés à terme est ainsi venue stopper la chute des prix sur le marché de Chicago et d’Euronext. Ce mouvement pourrait se propager aux prix physiques dans les prochains jours.

Le prix de l’orge fourragère en baisse

L’orge fourragère sur le marché physique a suivi le blé, abandonnant près de 20 €/t rendu Rouen cette semaine, à 293,75 €/t. Comme pour le blé, l’évolution à la hausse d’Euronext pourrait toutefois refaire monter les prix de l’orge dans les jours qui viennent.

 

Actuellement, l’orge française vaut moins de 310 $/t Fob Rouen, soit moins que l’orge russe ou que l’orge australienne. Malgré cette compétitivité renforcée par la faiblesse de l’euro face au dollar (les deux monnaies étant quasi à parité aujourd’hui), les orges françaises se voient pénalisées par une demande chinoise en berne et des maïs américains toujours plus compétitifs que l’orge française à destination de la Chine.

 

Et contrairement au blé, le marché mondial des orges fourragères reste assez atone actuellement, celles-ci coûtant trop cher face au maïs. À noter toutefois qu’en Europe et en France notamment, les orges apparaissent très attractives par rapport au blé pour la fabrication des aliments pour animaux.

 

Sur le créneau brassicole, statu quo pour les prix malgré la chute des prix fourragers. Les primes entre les deux qualités s’accroissent encore, ce qui apparaît logique avec la révision à la baisse des productions de printemps dans plusieurs pays à cause de la sécheresse du début de cet été.

Légère hausse des prix du maïs

Après la baisse de la semaine précédente, le maïs Fob Bordeaux s’est renchéri à la fin de la semaine pour la récolte de 2021. Il a repris 7 €/t, à 295 €/t (base juillet). Le maïs Fob Rhin a également légèrement augmenté (+3 €/t), à 293 €/t (base juillet, récolte de 2021). Le Fob Rhin en récolte de 2022 s’affiche à 296 €/t (base juillet). Les prix des maïs américains ont également augmenté.

 

Ce mouvement de prix peut s’apparenter à une correction à la suite de la nette baisse de la semaine précédente. On peut y voir également une conséquence des craintes qui pèsent actuellement sur les conditions de croissance des maïs dans l’hémisphère Nord. Le temps sec et très chaud qui avait prévalu en juin sur les États-Unis et l’Europe semble vouloir revenir alors que la floraison des maïs bat son plein.

 

À l’inverse, les prix ont baissé pour les maïs sud-américains. En Argentine, la récolte entre dans sa dernière phase et les exportations commencent de manière plutôt dynamique. Au Brésil, la safrinha (deuxième récolte) avance très rapidement et fait aussi pression sur les prix. Le Brésil commence également sa campagne d’exportation sur les chapeaux de roues.

 

Les prix du maïs peinent à trouver une direction. D’un côté, les fondamentaux demeurent tendus à cause du retrait ukrainien et des menaces climatiques plus globales sur l’hémisphère Nord. D’un autre côté, la bonne récolte sud-américaine et les signaux d’un ralentissement de l’activité économique et donc de la demande mondiale de maïs tendent à comprimer les prix.

 

La géopolitique reste également un facteur très important avec la volonté affichée de l’Ukraine et de l’Union européenne de vouloir augmenter fortement les exportations de céréales par route, rail et par le Danube depuis l’Ukraine vers l’Union européenne. Néanmoins, il reste à voir quand les efforts logistiques se concrétiseront dans les chiffres douaniers (en plus des flux qui existent déjà actuellement).

Léger recul des cours du tournesol

Les prix de tournesol ont marqué une nouvelle diminution dans un contexte baissier pour le marché des huiles végétales. Les cours mondiaux de l’huile de palme continuent de chuter en conséquence des décisions prises récemment par le gouvernement indonésien d’assouplir les restrictions à l’exportation. En effet, le pays a accumulé d’énormes stocks à la suite de l’interdiction provisoire des exportations en avril-mai dernier, et des restrictions à l’exportation depuis. Le gouvernement indonésien a donc décidé d’élargir le quota mensuel d’exportation.

 

Par ailleurs, la faible demande en huile de palme en Malaisie a pesé sur les prix des huiles au niveau mondial (les exportations sur juin se sont avérées inférieures à celle de mai, ce qui a fait monter les stocks localement).

 

L’huile de palme a ainsi chuté, entraînant dans son sillage l’huile de tournesol, dont le prix cède 90 $/t à Rotterdam depuis la semaine dernière. D’autre part, les bonnes perspectives des récoltes de tournesol en Europe (attendues à un niveau record) ont pesé sur le complexe de la culture.

 

À cela s’ajoute la pression baissière des flux dynamiques de tournesol au départ de l’Ukraine vers les pays frontaliers de l’Union européenne. Des stocks importants se sont accumulés dans ces pays (Bulgarie, Hongrie) avant même l’arrivée des nouvelles récoltes.

 

Ainsi, le prix français du tournesol oléique a diminué de 15 €/t entre le 30 juin et le 7 juillet, à 700 €/t à Saint-Nazaire. Le cours de la qualité standard (non cotée la semaine dernière) s’affiche maintenant à 600 €/t pour les contrats d’octobre-mars.

 

La situation reste très lourde en Ukraine et l’avenir de la nouvelle récolte de tournesol suscite des inquiétudes. Les exportations maritimes d’huile restent à l’arrêt et les flux terrestres n’en compensent qu’une faible partie. Par conséquent, la demande intérieure des triturateurs en tournesol est très faible, d’autant plus que plusieurs usines sont fermées depuis le début du conflit. Le prix de tournesol rendu à la frontière ouest de l’Ukraine recule encore de 10 $/t cette semaine, à seulement 545 $/t.

Le spectre de la récession pèse sur les cours du soja

Les cours mondiaux du soja ont accusé de fortes baisses cette semaine, notamment dans le sillage du prix du pétrole, sur fond de crainte de récession mondiale. Les inquiétudes qui planent quant à la situation économique mais aussi sanitaire dans plusieurs pays du monde (rebond des cas de Covid en Europe, nouveau confinement de Shangaï) ont mouvementé les marchés des matières premières cette semaine.

 

Le prix du baril de pétrole a perdu environ 3 % en sept jours, renforçant la chute des prix des huiles et par ricochet ceux des fèves de soja. Ainsi, le soja à Chicago a perdu 31 $/t par rapport à la semaine dernière et s’établit désormais à 585 $/t sur « le rapproché ». Il perd aussi 34 $/t sur l’échéance de novembre. Le prix du soja Fob Brésil perd, quant à lui, 29,5 $/t sur « le rapproché » (à 609,5 $/t) et 40 $/t sur novembre.

 

Au-delà des facteurs macroéconomiques, la baisse des cours peut aussi s’expliquer par des conditions météorologiques plus favorables aux États-Unis sur les derniers jours. Par ailleurs, dans un contexte d’inflation, la demande demeure dans l’ensemble plutôt atone. La semaine dernière, les exportations de soja américain se sont révélées inférieures aux attentes des opérateurs.

 

À noter également qu’au début de la semaine, la Chine a annulé des cargaisons de soja américain pour l’échéance d’août. L’origine américaine perd en compétitivité face au soja brésilien, d’autant plus que le dollar américain s’apprécie. Cette perte d’intérêt a également pesé sur les prix.

Tourteau de soja : quasi inchangé sur le rapproché, repli sur l’éloigné

Si le prix du tourteau de soja n’a quasi pas évolué sur les échéances rapprochées, il a tout de même perdu de la hauteur sur « l’éloigné ».

 

Ainsi à Chicago, la cotation du tourteau de soja sur l’échéance de décembre a reculé de 4 % par rapport à une semaine plus tôt, pour s’afficher à 432 $/t. Le repli du prix de la graine de soja fait notamment pression sur les cours des tourteaux. Le prix du tourteau de soja américain se rapproche désormais un peu plus des niveaux de prix sud-américains. Le prix argentin régresse également sur « l’éloigné ».

 

À Montoir, même contraste : le cours du tourteau de soja a progressé de 1 % sur le rapproché et a reculé en revanche d’environ 2 % sur l’échéance de novembre. Il reste attractif par rapport aux autres matières alors que la trituration a été moins dynamique dans l’Union européenne ces derniers temps, ce qui suggère une offre en tourteau peu élevée à court terme. Ces éléments ont soutenu les prix sur le rapproché.

 

En revanche, sur novembre, les cours du tourteau ont plutôt été influencés à la baisse par ceux du soja, et notamment par les conditions correctes jusqu’ici pour le développement des sojas américains.

Le pois rebondit

Sur le rapproché, les cours du pois montent avec un fort intérêt des acheteurs, notamment pour l’élaboration des rations porcines. Les prix sont par ailleurs soutenus par la remontée du prix du tourteau de soja sur le rapproché. Les pois gagnent ainsi 15 €/t sur la semaine en départ Marne.

Petit recul du prix du colza

Les prix de la graine oléagineuse marquent le pas cette semaine : tout comme pour le tournesol et le soja, la baisse du prix du pétrole a pesé sur le cours du colza en France. En Fob Moselle et rendu Rouen, les prix ont diminué de 5 €/t en moyenne, à respectivement 690 et 683 €/t. Ils ont aussi subi l’influence des prix canadiens.

 

Ces derniers sont en effet en recul de plus de 25 $/t sur la semaine, après que Statcan (office canadien de la statistique) a publié une nouvelle estimation des surfaces semées de canola supérieure pour cette campagne à sa précédente estimation.

 

Le canola a notamment bénéficié d’un report des intentions de semis du maïs et du soja, surtout dans le Manitoba, où les pluies ont obligé les agriculteurs à revoir leur assolement par endroits. Les surfaces ne sont désormais estimées qu’en léger recul par rapport à l’an dernier au Canada, ce qui suggère une production d’un bon niveau. Les prix canadiens ont d’ailleurs davantage reculé que les prix européens, si bien que sur novembre, les canolas canadiens sont désormais attractifs à destination de l’Union européenne. Cela devrait stimuler la demande industrielle en canola sur l’automne.

 

Par ailleurs, la récolte a démarré en mer Noire. En Russie, les rendements s’avèrent plutôt bons, à peine un peu moins élevés que l’an dernier. En Ukraine, les premiers champs coupés dans le sud du pays ont subi des conditions très sèches et chaudes au printemps et avant récolte. Les rendements sont pour le moment plutôt mauvais. L’impact de la guerre sur les rendements du colza ukrainien reste encore très incertain. L’avancée des moissons permettra de mieux l’évaluer dans les semaines qui viennent. À l’heure actuelle, les colzas ukrainiens sont proposés à 590 €/t rendu usine en Italie, et s’avèrent ainsi extrêmement attractifs pour les industriels.

 

Dans l’Union européenne, la récolte progresse également. Jusqu’ici, les résultats sont plutôt satisfaisants, mais l’Europe du Nord ne récoltera pas avant le mois de septembre. Le climat reste donc un facteur déterminant pour l’offre européenne de la campagne qui démarre.

À suivre : prix du pétrole, parité euro/dollar, climat en Amérique du Nord (maïs, canola, soja), récoltes en Europe et mer Noire (blé, orge, colza), météo en Europe (maïs, tournesol, soja), situation sanitaire mondiale, politique d’exportation de l’huile de palme de l’Indonésie, montée ou non en puissance des exportations de l’Ukraine.