Les droits de douane temporaires imposés par Pékin depuis ce mardi 23 décembre 2025 aux produits laitiers européens sont « un coup de massue » pour les exportateurs français de fromages et de crème, a réagi lundi la Fédération nationale de l’industrie laitière (FNIL).
« C’est un choc, un coup de massue […] notamment pour le groupe Savencia, qui a été longuement mobilisé par les autorités chinoises » lors d’une enquête sur des accusations de subventions illégales, a déclaré à l’AFP François-Xavier Huard, P.-D.G. de la fédération qui représente les industriels privés comme Lactalis, Danone ou Bel. Savencia est l’un des principaux exportateurs européens de crème vers la Chine.
Une taxe « inacceptable » pour Annie Genevard
« C’est inacceptable », a réagi sur X la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, promettant de « contester fermement cette décision » avec les autres pays européens. Ces droits de douane « provisoires » s’échelonneront de 21,9 % à 42,7 % et entrent en vigueur mardi 23 décembre, selon le ministère chinois du Commerce. Les droits définitifs doivent être communiqués le 21 février à l’issue de l’enquête lancée en août 2024 par Pékin, en rétorsion aux droits de douane européens sur les véhicules électriques fabriqués en Chine.
Je prends connaissance des droits provisoires antisubventions imposés par les autorités chinoises sur les importations de produits laitiers européens.
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) December 22, 2025
C’est inacceptable.
Je l’ai rappelé aux ministres chinois rencontrés à Pékin lors du voyage d’État du Président de la…
Ces taxes provisoires concernent les fromages frais et transformés, les fromages bleus ainsi que certains laits et crèmes, qui bénéficieraient selon Pékin de subventions faisant subir un préjudice substantiel aux concurrents chinois.
370 millions d’euros de produits laitiers français exportés vers la Chine en 2024
La France a exporté pour près de 370 millions d’euros de crème, lait et fromages vers la Chine en 2024. Sur les neuf premiers mois de 2025, les exportations ont atteint 245 millions d’euros, en légère baisse par rapport à l’année précédente sur la même période, selon les douanes. La poudre de lait, qui pèse quasiment autant que les crèmes, lait et fromages réunis, ne fait pas partie de l’enquête.
C’est surtout la crème, déjà taxée à 15 %, qui sera touchée, a précisé M. Huard. Sur les 34 000 tonnes de fromages européens exportés en Chine, seulement 6 000 viennent de France, alors que l’Hexagone produit la moitié des 100 000 tonnes de crème exportées.
Phase de contre-argumentaire
Le porc et le cognac européen ont aussi fait l’objet d’enquêtes en Chine. Des accords ont été trouvés pour réduire les taxes temporaires sur les entreprises françaises. « On va continuer à travailler avec les autorités chinoises. Une phase de contre-argumentaire s’est ouverte, en espérant que cela permettra de diminuer les droits de douane définitifs », a ajouté M. Huard.
« Si ces montants-là devaient perdurer, une grande partie des exportations de crème et de fromages vers la Chine vont être menacées. Et derrière, des producteurs, des territoires, notamment la Normandie, vont être directement concernés », a-t-il dit. Le message envoyé aux agriculteurs, en pleine crise face à la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), n’est « pas bon », a-t-il souligné.
Un « coup dur » pour l’industrie laitière allemande
En Allemagne aussi, les réactions ont été vives. Les nouveaux droits de douane chinois sur certains produits laitiers de l’UE constituent un « coup dur pour les entreprises concernées […] surtout en raison de la situation déjà tendue sur le marché », a réagi lundi l’Association allemande de l’industrie laitière.
Dans un communiqué adressé à l’AFP, un porte-parole de cette fédération professionnelle a exhorté « l’Allemagne, l’UE et la Chine à ne pas impliquer davantage et de manière inappropriée les secteurs laitier et alimentaire dans le conflit commercial concernant des secteurs sans rapport entre eux ».
Une taxe susceptible d’entraîner des pertes de marché
Pour la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL, association spécialisée de la FNSEA), cette taxe est « une mauvaise nouvelle, susceptible d’entraîner des pertes de marchés », mais elle ne doit pas entraîner une baisse de la rémunération des éleveurs par les industriels. Malgré les crises sanitaires, la filière a réussi à maintenir la collecte de lait, qui a augmenté de 1 % sur les dix premiers mois de l’année et pourrait dépasser les 23 milliards de litres en 2025, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture.
Les prix sont en légère hausse sur cette période, selon la même source, mais la FNPL et des organisations de producteurs ont tiré plusieurs fois la sonnette d’alarme quant aux risques de baisse de la rémunération des éleveurs ces dernières semaines, période traditionnelle de négociations entre producteurs et industriels privés mais aussi entre industriels et distributeurs.